Wizard Bloody Wizard
Electric Wizard
En effectuant une requête rapide sur les moteurs de recherche des journaux nationaux, j’ai trouvé une quinzaine d’affaires de disparitions qui n’ont jamais été élucidées en Belgique. Certaines remontent à plus de 30 ans. Ça tombe bien, c’est justement l’accroche que je cherchais pour ma chronique de ce neuvième album d’Electric Wizard : à moins d’avoir subitement été coupé du monde extérieur depuis la fin des années 80 et avoir loupé toute la vague du revival Black Sabbath, je me demande bien quel intérêt on peut trouver à ce disque.
20 ans après le dévastateur Come My Fanatics, 17 ans après le culte Dopethrone, 3 ans après l’espoir d’une renaissance sur Time To Die, Electric Wizard retombe une nouvelle fois dans ses travers : s’enfermer dans un confort pépère et reproduire ad nauseam une formule qui sentait déjà le sapin il y a 10 ans. Si la faute de goût est humaine, elle devient imbuvable quand le renoncement est brandi en fier étendard, à coups de pattes d’eph’ et de croix renversées portées autour du cou.
Tout, absolument tout, sur ce disque pue le foutage de gueule : une pochette hideuse, un titre qui n’est plus un clin d’œil à la bande à Ozzy mais un appel de phares, des riffs de guitare pompés de chutes de jams d’un Tony Iommi qui n’avait pas encore retrouvé l’usage de ses doigts, un clip qui rappelle que la limite entre le délicatement vintage et le dégueulassement ringard n’est finalement pas si subtile.
Le bilan serait peut-être un peu moins cruel si Electric Wizard ne trainait pas par dessus le marché une réputation calamiteuse en live. Fin de la supercherie ? Pas vraiment: il y aura toujours un public d’irréductibles prêts à tout pardonner, qui se ruera sur ce dernier album dans un délire collectif de mauvaise foi crasse. L’album n’est que de la retape ? Nan, mais c’est un hommage. C’est mixé avec des moufles ? Nan, mais c’est un son à l’ancienne. Jus Oborn est incapable de chanter deux notes justes sur scène ? Nan, mais c’est parce qu’il est pété comme un steak, ça fait partie du concept et c’est ça qui est génial.
Aussi piteux soit-il, ce tableau résume ce qu’Electric Wizard nous propose de mieux sur ce neuvième disque: du déjà trop vu, du déjà trop entendu. Seul le titre "Necromania" sort quelque peu du lot et pourrait trouver sa place sur une face B d’Uncle Acid & The Dead Beats. Pour le reste, Wizard Bloody Wizard se range dans cette catégorie d’albums qui s’oublient aussi vite qu’ils sont arrivés, générant un ennui profond dès la trentième seconde d’un morceau d’ouverture qui dépasse déjà les 6 minutes.
Sans doute qu’en sortant d’une cave d’où j’aurais été séquestré depuis 30 ans, j’aurais pu trouver ce disque délicieusement rétro. Mais ce n’est pas le cas. J’ai pu entretemps goûter à d’autres groupes stoner doom qui, en se revendiquant de l’héritage de Black Sabbath, ont fait tellement mieux : le son délirant des premiers Ice Dragon, les embardées folles des Suédois de Salem’s Pot ou même plus récemment les compos malsaines et cradingues des Canadiens de Strange Broue. Pour ce qui est d’Electric Wizard, le constat est bien plus morose : un groupe devenu à la fois sa propre caricature et la caricature du groupe dont il dit s’inspirer. Ce phénomène porte un nom : un cover band.