Wild Crush
Archie Bronson Outfit
Si l’on aime et respecte autant un label comme Domino, c’est parce que la maison londonienne prend le temps de bien faire les choses. Dans une industrie du disque qui (dit) lutter(r) pour sa survie, on se réjouit de voir un label de cette ampleur s’appuyer fermement sur la rentabilité de ses vaches à lait historiques (Franz Ferdinand notamment) et de ses plus récentes acquisitions (Hot Chip ou Animal Collective) pour permettre à un groupe comme Archie Bronson Outfit de faire son petit bonhomme de chemin en marge des tendances dominantes et du diktat impitoyable d’une hype dont Domino contribue pourtant à définir les contours.
Car à l’évidence, les barbus de Bath font partie des chouchous de la maison, vu la liberté dont ils semblent jouir depuis leurs débuts. Il faut dire que la bande à Sam Windett sait caresser son employeur dans le sens du poil, malgré une régularité pas toujours au rendez-vous et un succès qui la boude depuis le petit tour sous le feux de la rampe avec le perché et incandescent Derdang Derdang en 2006. Pourtant, on aurait pu penser qu’avec un Coconut produit par Tim Goldsworthy (l’architecte du son DFA avec James Murphy), les Anglais allaient s’offrir une petite cure de succès bien méritée. Mais il n’en fut rien.
Nous voilà quatre ans plus tard, le bassiste Dorian Hobday s’est fait la malle et tout le monde (ou presque) se fout royalement de ce Wild Crush pourtant excellent. En effet, fidèle à sa réputation de chouchou des chroniqueurs, ce nouvel effort de ABO enquille les chroniques élogieuses tandis que le fan lambda d’indie-rock pense davantage aux joli t-shirts qu’il devra acheter chez Urban Outfitters histoire de se la péter en festival. Pourtant, dieu sait si ce mélange fiévreux de garage, de blues et d’indie rock ne manque pas d’arguments pour plaire. Et pour couronner le tout, on peut même se demander si ce Wild Crush n'est pas le meilleur album de la discographie du groupe.
En effet, en 30 minutes environ, Archie Bronson Outfit condense son songwriting à l’extrême, et recherche l’efficacité dans les moindres recoins. Certes, les mecs aiment encore se la jouer un peu salace et retors aux entournures, mais jamais on n’a connu la section rythmique aussi indispensable et straight to da fokin’ point. Et puis Wild Crush, c’est aussi (et surtout) le retour d’un collaborateur qui a contribué à la renommée du groupe : Duke Garwood et ses saxophones qui flairent bon les champis et le mezcal. Dans ce tableau qui semble un peu bordélique sur papier, Archie Bronson Outfit trouve une cohérence et une efficacité qu’on le lui connaissait pas jusqu’à présent – ou du moins pas dans de telles proportions.
Chaque riff, chaque incantation de Sam Windett, chaque déchaînement rythmique ou chaque envolée cuivrée renvoie à un sentiment de disque travaillé à l’extrême, sans pour autant évoquer ces galettes qui ont laissé leur âme dans le luxueux studio d’un producteur surpayé. Non, avec Archie Bronson Outfit, on touche ici la quintessence d’un rock férocement indé, résolument couillu et carrément irrésistible. Wild Crush, un coup de cœur sauvage. Oui, ce disque ne pourrait pas s’intituler autrement.