Wicked Nature
The Vines
A 37 ans, le génial (mais toujours aussi atteint) Craig Nicholls est à un tournant de sa carrière. Après un Future Primitive (2011) boudé par la critique, le cerveau dérangé des Vines a dû repenser sa façon de concevoir de la musique suite aux départs successifs du guitariste, bassiste et batteur d'origine, désireux d'explorer de nouveaux horizons. On ne va pas se mentir, connaissant l'état mental de Nicholls (il souffre du syndrome d'Asperger, un trouble autistique), on n'aurait pas parié une sucette sur son groupe après ce séisme émotionnel. Pourtant le groupe est de retour, et le moins que l'on puisse dire, c'est que le sieur Nicholls ne semble pas prêt de jeter l'éponge. Loin s'en faut, c'est avec un double album (22 titres!) que le groupe australien nous revient, et dont le second disque est produit entièrement, chose nouvelle, par Craig Nicholls en personne. Par ailleurs, c'est également le premier disque que les Vines sortent sur leur propre label, Wicked Nature Music, en faisant appel au crowdfunding (décidément en vogue ces temps-ci) via le site PledgeMusic. Cette toute nouvelle liberté créative, on ne va pas se mentir, on ne la ressent pas nécessairement tout au long des 54 minutes que durent Wicked Nature. On pouvait s'attendre à ce que Nicholls profite d'être seul maître à bord pour libérer toutes les élucubrations soniques qui encombrent sa tronche de cake, mais il n'en est rien. Ce nouveau disque des Vines est conservateur, mais dans un sens qui n'est pas péjoratif. Nicholls y donne libre cours à son imagination, que certains pourront juger limitée, mais qu'on ne peut dissocier de son amour porté au Beatles, et à John Lennon en particulier. Ainsi, l'on ne peut que se souvenir de sa reprise de "I'm Only Sleeping" lorsqu'on entend le titre "Clueless" du second album, chanson loin d'être réussie mais qui offre à l'auditeur toute l'étendue du talent vocal de Nicholls. Evidemment, on retrouve ici tout ce qui constitue les soubassements du son des Vines, même si les mauvaises langues diront que ce n'est que du Nirvana pour émasculés : refrains chantés en chœur (enfin, avec plusieurs Craig Nicholls multipistés, quoi), gros accords de puissance (rappelant plus L7 que Nirvana, mais chacun ses portugaises) pour les refrains, s'imbriquant parfaitement avec des couplets qui mettent en jeu une guitare indie so 90's et surtout, CETTE VOIX. Si un morceau de Wicked Nature devait illustrer toutes les caractéristiques précitées, ce serait sans doute "Psycho-matic", un grunge lourd comme une bille de chemin de fer. Tout ce matos est bien sûr entrecoupé de plaisantes ballades langoureuses, domaine dans lequel Nicholls excelle, à l'instar des sublimes fragments du titre "Autumn Shade" éparpillés sur ses précédents albums. Ainsi, on a droit à pas moins de six morceaux plus calmes répartis sur cette double galette, pour la plupart bien conçus. En définitive, bien que peu inventif, on peut dire que ce double album des Vines est plutôt une bonne nouvelle puisqu'on tient la preuve que Nicholls pourra continuer à accoucher de bons gros morveux insolents jusqu'en 2050. Car, merde, qui va aller se plaindre d'un cocktail Nirvana/Beatles sans se faire passer pour l'empereur des pisse-vinaigres ? On n'invente plus rien quand on tient la formule. Nicholls tient la sienne et la garde bien enfouie au creux de son âme désaxée, produit magnifique d'une nature tordue qui l'aura mis au monde 10 ans trop tard...