Whorl

Simian Mobile Disco

Anti- – 2014
par Aurélien, le 1 octobre 2014
8

Il y a une vie après la blogosphère, et Simian Mobile Disco en est la preuve par excellence. Quand on découvrait leur premier essai en 2007, le duo anglais bénéficiait d'une place de choix, bien planqué entre Justice et Digitalism – soit les deux séismes dance music marqués par le sceau de la fluorescence. Aujourd'hui pourtant, le duo britannique promis à une carrière façon Chemical Brothers (la faute au casting vocal d'un Temporary Pleasure trop lourd pour leur épaules) a su mettre plus d'eau dans son vin que ses collègues. Et la conséquence, on la mesure et on l'apprécie : ça occasionne des lives technoïdes aussi audacieux que moites, une panoplie de tubes aux visuels assassins, et surtout une capacité, à l'instar de Modeselektor, à rendre accessible leur genre de prédilection sans jamais le vulgariser. Pourtant, autant le dire d'emblée : ce n'est pas avec leur quatrième album Whorl qu'on ira arracher le dancefloor à l'événement. Bien au contraire même, il rompt avec une certaine continuité discographique et offre au duo un saut dans le vide à la Felix Baumgartner. Mais les risques sont payants.

Car le tandem s'amuse bien trop à jouer avec les nuances et les ambiances pour rester strictement dansant. Et donc, plutôt que de jouer la carte des BPM nerveux, c'est à la fois celle de l'économie de moyens et de l’ambiguïté qu'il a choisi: la première, car le matos du groupe a été réduit à son plus strict minimum pour le contraindre à sortir le meilleur de ses machines (chaque membre s'est limité à un synthé et un séquenceur, les pistes ont été enregistrées séparément, et le tout puisse être retravaillé en studio) ; la seconde parce que jamais un album de Simian Mobile Disco n'a réussi à concilier autant de couleurs différentes sans renier son fil rouge. Le labyrinthe ne tarde d'ailleurs pas à démontrer la formidable pertinence de l'entreprise : parti de son inhabituelle entame ambient, l'album ne tarde pas à s'enrichir en montées de fièvre qui subliment une ballade franchement pas avare en moments de bravoure. Alors certes, Whorl troque toute la puissance dancefloor du duo contre un album qui peut s'écouter les pantoufles aux pieds. Et non, sauf si vous êtes sous Tranxène 500, Whorl ne fera pas danser jusque tard dans la nuit ceux qui ne jurent que par "Cerulean" ou "Sleep Deprivation". Mais Whorl est bel et bien le disque qui confirme la qualité d'architectes sonores de ses géniteurs. Et c'est d'autant plus probant que le disque profite à fond de leur science du live.

Spatial, aride... Les adjectifs ne manquent pas pour décrire Whorl. Les références non plus d'ailleurs, puisque les fantômes d'Arpanet, Tangerine Dream ou Boards Of Canada semblent tourner en permanence autour des machines. Mais ce conglomérat d'influences, on le sent au final surtout spectateur du spectacle. Et malgré quelques égarement, Whorl est un tel tour de force qu'on en vient se demander si l'on ne tient pas ici l'album le plus abouti et le plus audacieux de la discographie de SMD. Il constitue en tout cas une énième preuve de la capacité de Simian Mobile Disco à bien vieillir, y compris lorsque les deux abandonnent leurs habits de machine à danser. Autant être clairs: on trépigne à l'idée de leur rendre prochainement visite dans nos salles de concerts, histoire de savoir si ce morceau de bravoure saura profiter d'un traitement aussi princier sur scène que sur disque.