Who Killed Sgt. Pepper?
The Brian Jonestown Massacre
Décidément, la vieille rancœur entre les gentils Beatles et les méchants Rolling Stones n’est pas prête de s’éteindre. Même si les seconds ont fini par troquer le blouson de cuir contre le peignoir à carreau, il reste Anton Newcombe pour pisser dans les bottes de Sir Mc Cartney, malgré tout ! Et de fait : presque cinquante ans après le début des chamailleries, il continue à faire vivre l’esprit nerveux des Teddy Boys du Blues Boom comme si le temps s’était arrêté le jour où le jardinier de Brian Jones trouva le corps sans vie de son patron flottant au milieu de sa propre piscine.
Who Killed Sgt Pepper ? est une pierre de plus à l’édifice de la revanche du Brian Jonestown Massacre, un autre pied de nez à cette industrie musicale pourrie qui a élevé les Fab Four au rang de mythes en occultant au passage les écorchés purs et durs, les vrais innovateurs du rock qui vendaient leur âme plusieurs fois par jour pour une six cordes et quelques sachets de poudre. Aux dires de Newcombe, c’est cette même industrie qui lui marche dessus en ce moment même, alors qu’il propose librement ses albums sur la toile à qui veut bien les télécharger. Ainsi, il fait une nouvelle fois fi des conventions, des rumeurs et du bon goût pour se lancer avec cette énième plaque dans un trip iconoclaste aussi décalé qu’à l’accoutumée.
C’est entre Berlin, Londres et Reykjavik qu’est né Who Killed Sgt. Pepper ?, loin des orgies nocturnes de L.A. et de Portland, loin de Dig ! et des Dandy Warhols. Plus question pour le Brian Jonestown Massacre de creuser la veine éculée du revival sixties : fini les guitares vintage, les tambourins et les harmonicas ; il était temps de faire le ménage et de changer de ton, n’en déplaise aux puristes. Au programme : une évasion hallucinée au son de tout un attirail rythmique directement piqué au Factory du « Madchester » de la grande époque, le but étant de divertir le public « de la crise qui l’accable », dixit Newcomb. Un peu de dub par-ci (« This is the First of your Last Warning »), quelques incantations par-là (« tempo 116.7 »), on ajoute à ça une pincée de fuzz 80’s façon Joy Division (« The One ») et voilà dressé un portrait bien sombre de ce que Newcomb appelle « une fête réussie ».
Comme on pouvait s’y attendre, Who Killed Sgt. Pepper ? tiens plus de la gueule de bois que de la débauche de bonne humeur ! Avec ses « Lets go Fucking Mental » et autres « Super Fucked », aux tempos lancinants et aux mélodies hypnotiques, on est effectivement plus proche des Jesus and Mary Chain paternels que de la valse à trois temps ! On trouve cependant – rendons à César ce qui lui appartient – des titres quelque peu plus syncopés qui dénotent complètement dans le paysage musical d’habitude fréquenté par le groupe ; citons « Feel It » ou l’exotique « Dekta ! Dekta ! Dekta ! ».
Qu’en dire ? Tout d’abord que, l’air de rien, cette replongée dans les années « synthés » renouvelle pas mal le répertoire du groupe. Le Brian Jonestown Massacre reste fidèle à lui-même dans le propos et le ton, mais se débarrasse au passage de pas mal de vieilles habitudes musicales comme les sacro-saints instrumentaux qu’on peut trouver sur tout le reste de sa discographie. Il adopte ainsi l’électronique progressivement et sans que ça soit excessivement choquant. Définitivement, Newcombe prouve que sa créativité a aussi peu de limites que sa propre folie. Et malgré les inconstances passées et les humeurs pour le moins flippantes, il nous montre avec pas mal de brio qu’il sait toujours pondre des trucs suffisamment improbables que pour frapper l’attention.