Who Killed Harry Houdini?
I'm From Barcelona
Il y a deux ans, il fut bien difficile de passer à côté de la déferlante I'm From Barcelona. Il faut dire qu'avec ses 29 membres, la troupe suédoise armée d'une bonne humeur qui vous aurait fait passer un Teletubby pour un maniacodépressif accro au Xanax ne passait pas inaperçue. Et même si elle était parvenue à s'attirer les faveurs de la major EMI qui n'avait pas manqué de recruter un groupe qui correspondait à la tendance "big bands" de l'époque (Architecture in Helsinki ou The Polyphonic Spree), il n'en restait pas moins que la pop fraîche du groupe méritait une telle exposition médiatique tant elle s'était révélée être un vecteur assez magnifique de joie et de bonne humeur. Réalisé avec des bouts de ficelle et beaucoup d'entrain, Let Me Introduce My Friends a fait partie de ces albums qui ont rythmé l'été de bien du monde et fait d'I'm From Barcelona un petit phénomène de foire immanquable en festival. Mais derrière le côté fantasque des prestations et le caractère légèrement éphémère d'un premier album plein de fraîcheur se cachait en fait les desseins d'un Emanuel Lundgren ayant plus d'un tour dans son sac. Ce premier succès allait être l'occasion pour ce talentueux Suédois de montrer à l'internationale pop de quel bois il se chauffe sur Who Killed Harry Houdini?, nouveau disque débarqué il y a peu avec un peu moins de fracas que son prédécesseur.
Avec sa couverture à l'intrigante noirceur, la question se pose d'emblée: qu'est-il advenu de la pop en full technicolor d'I'm From Barcelona? A l'écoute du premier single tiré de l'album, le rondement mené "Paper Planes", on pourrait penser que le groupe a opté pour la continuité et donc, une certaine facilité. Et pourtant, Emanuel Lundgren déjoue tous les pronostics sur "Andy", titre d'ouverture de Who Killed Harry Houdini? et peut-être le plus beau morceau qui soit jamais sorti de la plume du songwriter suédois. Les chœurs à s'époumoner ont laissé leur place à des voix lointaines, la production 'bric-à-brac' à des arrangements travaillés jusque dans les moindres détails et les titres joyeux à des ballades emplies d'une mélancolie que l'on ne connaissait pas au groupe. A l'évidence, les moyens mis à la disposition du groupe par EMI ont joué un rôle prépondérant dans l'élaboration de Who Killed Harry Houdini?. Ainsi, sur des titres plus posés et plein de maturité comme "Andy" ou "Little Ghost", on peine à reconnaître le I'm From Barcelona de Let Me Introduce My Friends. Le groupe semble avoir entamé une lente mutation, comme en témoigne l'équilibre instable cherché par son leader, bien décidé à s'ouvrir de nouveaux horizons sans pour autant abandonner ses premières amours. Intention extrêmement louable, il faut cependant reconnaître qu'elle ne se traduit pas immanquablement par des morceaux exceptionnels, comme en témoignent les anodins et mollassons "Music Killed Me" et "Gunhild".
Toutefois, on ne peut que se féliciter de voir une formation que l'on croyait à tout jamais destinée à jouer les amuseurs publics emprunter des chemins de traverse, consciente des conséquences que cela pourrait engendrer en termes de succès et de ventes. Car malgré ses quelques faiblesses, Who Killed Harry Houdini? est un disque sincère, qui ne se cache plus derrière sa bonne humeur permanente et l'effet de groupe. Difficile mais assumés avec beaucoup de talent, les choix d'Emanuel Lundgren portent déjà leurs fruits sur ce second opus. Ceci dit, la route est encore longue et je ne peux que vous conseiller de faire un petit bout de chemin avec le groupe.