Wet Leg
Wet Leg
On ne voudrait pas passer pour des mouchards, mais s’il nous fallait désigner les coupables à l’origine du plus gros vers d’oreille de l’été dernier, les visages de Rhian Teasdale et Hester Chambers seraient placardés dans tous les commissariats. On the chaise longue, on the chaise longue, on the… Tortillant innocemment leurs robes de Laura Ingalls, les deux Anglaises ne donnent pourtant pas l’air d’avoir prémédité le braquage avec leur hymne estival truffé d’allusions salaces.
Ceci dit, on ne pouvait leur souhaiter pire malédiction qu’un tube accidentel comme premier extrait d’un album qui n’existait pas encore. Ce cadeau empoisonné qu’il va falloir s’efforcer d’intégrer dans un ensemble du même calibre. Si signer chez Domino était une décision judicieuse, engager Dan Carey à la production était certainement la meilleure façon de couvrir leurs arrières. Son nom sur la pochette, c’est la garantie de se faire tamponner du sceau du bon goût ou a minima de susciter l’intérêt général, le gaillard n’ayant encore jamais misé sur le mauvais cheval. On notera donc la souplesse avec laquelle elles ont su gérer l’obstacle.
Même si cela les gêne un peu de l’admettre, Rhian et Hester n’avaient jamais envisagé de faire de la musique sérieusement. On gratouille, on raconte sa vie une bière à la main et on voit ce que ça donne. Voilà à peu près le plan de base. Une non-stratégie payante puisque cette nonchalance assumée accouche d’un album qui comble largement les attentes sans vouloir impressionner à tout prix. Un album où tout se met en place naturellement parce que la complicité des protagonistes fait déjà la moitié du taf. Un album de meilleures copines qui pouffent à des blagues qu’elles pensent être, à tort, les seules à comprendre. Un album de fausses ingénues qui étalent leur insolence dans des refrains ultras efficaces (You're like a piece of shit, you either sink or float / So you take her for a ride on your daddy's boat sur le bien nommé "Piece of Shit").
Wet Leg, c’est aussi un album particulièrement malin qui évoque des dizaines de petites choses connues sans que l’on puisse totalement mettre le doigt dessus. Un peu post-punk, un peu bedroom pop, le tandem partage ses réflexions actuelles de jeunes filles paumées (l’excellent "Too Late Now" en clôture) tout en chatouillant les instincts nostalgiques de celles et ceux qui restent agrippé·e·s à Pavement ou Elastica. Le trait d’union ultime entre la génération Z et la Y (voire même la X si on en s’en réfère à cette ligne de guitare chapardée à David Bowie sur "I Don’t Wanna Go Out"). Sans viser le coup de génie, Wet Leg est simplement l'une des meilleures choses qui pouvaient s’échapper d’une chambre d’étudiantes cette année, à la fois féroce et réconfortante. Un feel good album qui pose sans doute les bases d’une feel good carrière.