Wenu Wenu
Omar Souleyman
Ce soir, ma femme est de sortie. C’est le moment rêvé pour chroniquer ce disque d’Omar Souleyman, qu’il fait bon écouter à un volume scandaleusement élevé. Si je dois profiter des activités en solo de ma tendre et chère pour parler du nouvel album du Syrien, c’est parce que la musique qu’il incarne a tendance à provoquer autant d’enthousiasme que d’exaspération.
Alors pour ceux qui ne connaissent pas les plus belles bacchantes du Moyen-Orient, on vous résume la carrière et le personnage: à la base, Omar Souleyman est un chanteur d’une placidité de tous les instants, qui s’est fait une renommée sur ses terres natales en tant que chanteur pour mariages, dont la bonne parole s’est popularisée au travers de centaines de K7 et CD-R enregistrés en live, souvent refilés au couple et ensuite vendus sur les marchés locaux. Une discographie titanesque que le label Sublime Frequencies s’est amusé à trier pour accoucher de compilations qui, pour des raisons encore inexplicables à ce jour, ont vite été adoptées par l’internationale hipster. Et au bout de cette course à la médiatisation, il y a la sortie de ce premier album pour Ribbon Music (filiale de Domino) produit par Kieran Hebden, alias Four Tet.
Forcément, quand on connaît un peu l’œuvre du Syrien et de son producteur fétiche Rizan Sa'id tout acquis à la cause d’un dabké tout crasseux (une musique frénétique et festive qui s’appuie sur des sons de synthé bien cheap, et bouclés à l’infini pour un résultat qui vous donnera envie, en fonction de votre humeur du jour, d’aller acheter un keffieh dans les plus brefs délais ou d’étrangler la personne qui se trouve à côté de vous), on peut se demander dans quelle mesure Kieran Hebden va jouer ou non le rôle d’édulcorant ou apposer sa griffe. Mais au final, c’est toute la déférence et l’intelligence du producteur anglais que l’on retient: probablement conscient qu’il serait impossible d’apprendre à un vieux single comme Omar Souleyman à faire de nouvelles grimaces, Kieran Hebden se borne à décrasser un son qui ne connaissait jusqu’à lors pas le sens du mot production. Par ailleurs, conscient que l’auditeur qui découvre le Syrien aux lunettes noires ne va probablement pas pouvoir s’enquiller deux heures de cette musique moyen-orientale aux vertus hallucinogènes certaines, Four Tet canalise et synthétise. Wenu Wenu ne comptera que 7 titres pour une quarantaine de minutes au compteur, et c’est probablement mieux ainsi.
Musicalement parlant, pas de grosses surprises sur Wenu Wenu donc. Comme à chaque fois avec Omar Souleyman, c’est l’approche de la tête dans le guidon qui est retenue. Rizan Sa'id balance un beat qui ressemble comme deux gouttes d’eau aux 2.000 autres qu’il a déjà pondues, tandis que le père Omar raconte on ne sait trop quoi, entre chant et parlotes. C’est résolument abrutissant sur la longueur, très régulièrement jouissif, mais ça défie surtout nos habitudes musicales d’une façon tellement radicale qu’on se demande encore à l’heure qu’il est comment expliquer de façon rationnelle le succès d’Omar Souleyman. Mais ce sera pour une autre fois, voilà que madame rentre à la maison…