We Grow, You Decline
Kobosil
Cela faisait un petit temps qu’on n’était pas revenu sur les LP que propose Ostgut Ton et c’est assez nul parce que les longs formats de l’usine allemande nous ont généralement pas mal réussi - on pense notamment aux excellents albums de Ben Klock, Marcel Dettmann, Steffi ou Planetary Assault Systems, et à ceux de Answer Code Request, Function ou Barker & Baumecker qui valaient largement le détour malgré l’absence de papiers sur ces pages.
Sans vouloir se chercher d’excuses, peut-être que notre désintérêt (tout relatif) pour le label berlinois est à mettre sur le compte d’un excès de visibilité. Ce n’est pas compliqué, Ostgut Ton est partout : tous les week-ends, sa trentaine d’artistes cassent tous les clubs des capitales importantes, les clichés sur Berlin sont ressassés ad nauseam et la structure elle-même turbine comme une usine Volkswagen. De l'EP partout, du LP tout le temps (comptez 28 sorties en deux ans, en excluant leur récente compilation-anniversaire qui cumule trente titres), jusqu’à en perdre l’envie de prendre le temps de s’envoyer de la grosse techno étiquetée Berghain. Nos amis du nord du pays auraient raison : trop is te veel.
On reprend donc notre marche en avant avec le premier LP de Kobosil, jeune producteur rapidement passé par chez Marcel Dettmann Records qui a dans la foulée brigué une place de résident dans le « meilleur club du monde ». Une opportunité idéale de prendre le pouls de la nouvelle génération techno, quitte à se prendre une claque dans la figure. Et pas pour les bonnes raisons. On sentait l’arnaque venir à des kilomètres en lisant le press release qui accompagnait le disque. Ça parlait de délaisser le côté club pour aller vers quelque chose de plus intime, de moins immédiat. Ça parlait même de musiques concrètes et d’un paquet d’autres trucs de bon goût dans la frange oblique des musiques qu’on aime. Mais on le savait, du moins ce n’est pas une surprise, We Grow, You Decline allait être un disque pas mal vide et drôlement à côté de la plaque.
Si on devait tenter d’argumenter un peu pour vous convaincre, on pourrait dire qu’il ne se passe rien sur les deux tiers de l’album. Ça lambine entre de la techno au faible volume de jeu - on structure le kick en lui retirant toute densité et on et fout tout ça en arrière-plan pour être sûr que ce soit nul – et des tentatives complètement bancales de faire de la texture sonore un peu noble. Certains morceaux semblent s’inspirer des premiers travaux d’Atom™, d’Arpanet ou du meilleur du Dopplereffekt expérimental (on parle bien sûr de Calabi Yau Space). Mais là où ces artistes de légende avaient le don de magnifier une vision froide, synthétique et laborantine du genre post-techno, Kobosil nous montre surtout qu’il n’est pas à la hauteur de la tâche, par manque d’idées, d’abord, et par manque flagrant de technique ensuite. N’est pas Yves de Mey qui veut. Pour aller plus loin, Kobosil n’a même pas la prétention d’un Kangding Ray, pourtant roi du trompe-l’œil esthétique. Allez, si on est honnêtes, on sauve quand même "Eihwaz", "When I Speak" et "Living Ritual".
On parle simplement ici d’un gamin qui s’est un peu trop branlé sur sa musique, à toucher et retoucher son album derrière un PC jusqu’à le vider de son jus, jusqu’à ce qu’il ne reste rien sinon sa propre satisfaction et sa conviction qu’il tient-là un grand disque. Croyez-nous, c’est tout l’inverse. Il est même plus que probable que si cela n’était pas sorti sur le géant Ostgut, on ne vous en aurait même pas parlé. Il était mieux à faire de la techno d’autoroute.