WE DON'T TRUST YOU / WE STILL DON'T TRUST YOU
Future & Metro Boomin
Si l’on peut émettre des réserves quant à l’intérêt de mêler ces deux albums à une sorte d’Infinity War où tout le rap game se serait ligué contre un célèbre rappeur canadien, reconnaissons quand même que cette bisbrouille aura forcé toute une génération d’artistes ayant explosé dans les années 2010 (The Weeknd, Travis Scott, Playboi Carti, Kendrick Lamar, Rick Ross, A$AP Rocky) à sortir de la zone de confort où ils avaient fini par s’embourgeoiser.
Le beef opposant Drake au reste du monde permet ainsi à ces discrets stakhanovistes que sont Future et à Metro Boomin de démontrer une fois de plus leur grande complicité; il revient alors à leurs invités de se montrer à la hauteur de l'ambition marvellienne du projet. Et à ce petit jeu, autant le dire tout de suite, c'est « Type Shit » qui prend des airs de bataille finale : la transition entre le couplet d'un Travis Scott qui semble descendre des cieux et celui d'un Playboi Carti diabolique nous donnerait presque l’impression de vivre une out-of-body experience à la Balzaal du Dour Festival.
Mais le vrai plaisir de cette paire de disques réside avant tout dans la résurrection de Future, beaucoup moins apathique que sur I NEVER LIKED YOU où, visiblement sous l'influence de Drake, il était tombé dans une toxicité croquignolesque. Comme d’habitude avec lui, on ne sait jamais si il est fier ou non d'aligner les relations vouées à l'échec. Mais c’est justement ce côté « livre ouvert » qui le rend aussi fascinant. Ci et là on distingue dans ses paroles une bonne dose de ressentiment, et on devine qu’il passe toujours autant de temps à ruminer des pensées sur ses relations passées. Ainsi, à l’image de leur collaboration tubesque sur « End Game » en 2017, il n’est pas insensé de penser que Future et Taylor Swift marchent parfois sur les mêmes plates-bandes empruntes de toxicité.
Très copieux, ce projet ressemble fort à un coup de pied dans la fourmilière rap et s’impose déjà comme le blockbuster rap de l’année. Que ce soit au niveau de sa narration centrée autour du clash avec Drake, de sa célébration d'un duo qui n'a cessé de faire ses preuves au fil des années (sans pour autant tomber dans la mise en abyme naphtalinée), ou de sa grande cohérence malgré la multitude d'invités, WE DON'T TRUST YOU et WE STILL DON'T TRUST YOU se distinguent clairement d'autres disques du même genre tout aussi attendus, mais finalement décevants - avec en ligne de mire le boursouflé et dispensable For All The Dogs de l'inévitable Drake, pour ne pas le nommer.