We Can't Fly
Aeroplane
Enfin, le voilà ce disque tant attendu d'Aeroplane. Celles et ceux qui suivent la carrière du duo devenu projet solo depuis ses débuts avaient fini par arrêter de parier sur une date de sortie qui a semblé imminente pendant de nombreux mois. Désormais seul aux commandes après le départ de Stephen Fassano, Vito De Luca a la tâche ardue de nous faire aimer un album qui compte parmi les plus attendus de 2010. Car à force de nous abreuver de remixes impeccables, de DJ sets ascensionnels et de podcasts classieux, l'attente a atteint des proportions rarement vues pour un projet catalogué 'italo disco'. Mais c'est peut-être parce qu'Aeroplane a vocation à être bien plus qu'une énième entreprise balearic que We Can't Fly focalise autant l'attention.
Car il suffit d'écouter Vito De Luca quelques secondes pour comprendre que le producteur belge voit grand et voit pop. C'est évident, ce premier album n'a pas été conçu pour finir sa course dans le même bac qu'un Lindstrom ou un Prins Thomas. Sur We Can't Fly, le filiforme Wallon digère une vie d'influences et accouche de douze compositions où la mélodie prime sur les effets de manche. Dans un tel contexte, on ne s'étonne plus de retrouver aux manettes de We Can't Fly Bertrand Burgalat, connu pour son travail d'esthète pop chez Tricatel et au sujet duquel on se demandait un peu ce qu'il venait à première vue foutre là.
Mais une seule écoute de cet album permet d'y voir plus clair: s'il est évident que le fond de commerce d'Aeroplane a une forte coloration italo / balearic, on croise également sur ce disque en forme de montagnes russes les fantômes de quelques figures tutélaires de l'Histoire musicale récente. Il y a quelques mois déjà, le single "We Can't Fly" avait donné le ton en se donnant des airs de remix italo de qui aurait pu être un tube de Grace Jones. Ailleurs sur la galette, c'est Giorgio Moroder que l'on croise sur des titres taillés sur mesure pour la B.O. de Scarface (énormes "The Point of No Return" et "My Enemy"), mais aussi ELO et Al Stewart ("Superstar"), le Duran Duran flamboyant des années 80 ("I Don't Feel"), la synth pop minimaliste typée 80's ("Without Lies") ou encore les inévitables Kraftwerk sur un "London Bridge" corrompu par une guitare funk.
Savamment distillées et élégamment mélangées, les nombreuses influences qui constituent la colonne vertébrale d'Aeroplane prennent ainsi corps dans des compositions magnifiquement produites et qui évitent à chaque fois la faute de goût - exception faite d'un "Good Riddance" qui sonne comme un mauvais remix de Charlie Winston. Ajoutez à cela une liste d'invités triés sur le volet (Au Revoir Simone, Nicolas Ker de Poni Hoax, etc.) qui n'en font pas des caisses et vous obtenez un album qui valait bien une litanie de supputations en tous genres. Ainsi, dans une Belgique électronique qui se cherche de nouveaux héros depuis que les frères Dewaele ont laissé leur originalité au placard et que même un Dr. Lektroluv semble tout acquis à la cause fidget, Aeroplane incarne une certaine forme de relève qui devrait plus que probablement replacer le plat pays sur l'échiquier international. Et forcément, on se dit que rarement une attente avait été si joliment récompensée…