Watch The Fireworks
Emma Pollock
On a beau s’endurcir avec le temps, s’habituer à voir disparaître les groupes qui ont bercé nos jeunes années, il y a des séparations dont on ne se remet jamais vraiment. De toutes celles survenues ces dernières années – et elles furent nombreuses, de Pulp à Suede en passant par Gorky’s Zygotic Mynci ou tout récemment Venus – celle des Delgados est de loin la plus difficile à digérer. D’abord parce que les Ecossais avaient su développer au fil des années un son unique, reconnaissable entre mille, et dont la quintessence était le mélange des voix de Alun Woodward et Emma Pollock. Ensuite parce que ces musiciens et mélodistes hors pair avaient sorti, coup sur coup, deux chefs-d’œuvre de pop baroque et épique (The Great Eastern en 2000 et Hate en 2002). Enfin parce que cette formation, l’une des plus touchantes et des plus douées de sa génération, avait su créer un lien solide avec son public, peu nombreux mais fidèle (et parmi lequel on trouvait feu John Peel qui les avait soutenus dès leurs débuts).
Alors se plonger dans le premier album solo d’Emma Pollock, c’est revenir plusieurs années en arrière et se prendre de plein fouet le vide laissé par le groupe. Mais, en même temps, c’est également une manière de combler un manque, tant Watch The Fireworks sonne comme la suite logique de Universal Audio, dernier album des Delgados paru en 2004. En fait, il ne manque que la voix d’Alun Woodward et l’illusion serait parfaite.
Comme on pouvait s’en douter, le disque joue clairement en dehors des territoires épiques et orchestraux qui étaient la marque de fabrique du groupe sous la coupe du producteur Dave Fridmann (Mercury Rev, Flaming Lips). A part un piano mal accordé, la demoiselle n’a laissé que peu de place aux instruments autres que les classiques guitare/basse/batterie mais cela n’a que peu d’importance car, nostalgie mise à part, c’est ainsi que sa voix douce et rauque est le plus en valeur. Et surtout, écoute après écoute, on se rend compte qu’Emma n’a rien perdu de son talent de compositrice et que ces onze comptines pop et folk restent collées aux neurones – et n’est-ce pas là l’essentiel ?
Alors certes, malgré un univers proche, l’émotion qui se dégage de Watch The Fireworks n’est pas la même que celle des albums des Delgados. Mais à quoi bon remuer le couteau dans la plaie et ressasser de vieux souvenirs ? Emma Pollock a réussi à sortir un superbe premier disque, à la fois familier et étranger. Et si elle se révèle capable à chaque fois d’écrire des titres du calibre de "If Silence Means That Much To You", "Adrenaline" ou encore "Paper And Glue", même le plus borné des fans aura du mal à dire que l’on a perdu au change.