Walls
Apparat
Apparat est probablement connu de tout le monde ici mais, étrangement, peu d’entre nous savent définir l’œuvre de l’Allemand, la faute sûrement à une discrétion contradictoire, en effet, malgré deux productions electronica sorties sur Shitkatapult (label co-fondé par Apparat lui-même et par Marco Haas) en 2002 et 2003, il faudra attendre l’arrivée d’Orchestra of Bubbles, composé avec la géniale Ellen Allien, pour que la carrière de l’Allemand flambe réellement. Ce n’était que justice.
Apparat nous revient donc avec une compilation de treize titres aux contours sublimes, alternation de pop songs magnifiques sur fond d’expérimentations sonores adoucies. Il ne fait pas de doute que le producteur ne peut se décrocher de ses passions electronica et ce dernier réalise un véritable travail d’orfèvre pour rendre celles-ci concordantes avec la beauté la plus pure en envisageant des paysages mystérieux, situés entre des beats concassés et des nappes doucereusement nostalgiques. Un album qui doit énormément aux cordes et aux claviers, habilement détournés pour faire de Walls un disque qui rit et qui pleure en même temps : ainsi, dès ce « Not A Number », le xylophone vient se faire voler la vedette par des violons cristallins, planant sur des rythmes à peine évoqués. La guitare basse de « Hailin From The Hedge » transcende une Raz Ohara qui se doit d’être à son maximum pour ne pas décevoir une construction solidement érigée, car c’est bien là la force d’Apparat : ériger des monuments de magnificence pour les relier par des filins quasi invisibles, liens pourtant résistants qui confèrent à cet album tout son caractère romantique et floral. Le couple des « Fractales » fait office de délicieuses clés de voûte dans un disque qui émerveille déjà à ce stade de l’écoute : « Fractales Pt.I » fait dans la chevauchée lunaire, avec ses minuscules éruptions sonores en saccade et ses nappes chatoyantes, « Fractales Pt.II » est son versant mélancolique, le violon et le piano se chargeant de rendre ce diptyque immortel, le tout disparaissant dans un voile délicat. On découvre avec plaisir une fin d’album à la hauteur de ce qui précède, on se dit que la faute de goût est impensable, et c’est avec la certitude de tenir en main un objet magnifique qu’on se prélasse devant des mélodies aussi innocentes que transcendantes : « Birds » et son rythme boiteux, marqué par la voix d’Apparat qui se veut apaisante et étonnamment juste ; le clairement pop « Arcadia » et le grondement de sa nappe démentielle à mi-chemin, qui se voit tout naturellement accompagnée d’un chant d’un autre temps, c’est alors que surgit la similitude toute relative avec Thom Yorke qui avait su marquer les esprits par un The Eraser controversé mais tout autant imparable : rythmiques hésitantes et vocaux qui touchent pile là où il le faut sont définitivement cette formule instable et capricieuse qui marche ici de manière incontestable tant la pleine maîtrise est présente chez l’Allemand.
Au final, on se rend compte que ces treize titres convainquent à la première écoute du talent multiforme de ce producteur de l’ombre, touchant et hautement nostalgique. Sans plus de buzz ni d’autres coups de pouce extérieur, Apparat vient placer à la seule force de ses machines son album au sommet des sorties à retenir cette année. Un disque tout simplement beau à en pleurer.