VV5
Vald
Dans notre top des meilleurs morceaux de l’année 2022, on avait une pensée toute particulière pour Rosalìa, qui a juste balancé un des titres les plus dingues de l’année dans la version deluxe de MOTOMAMI. De quoi se demander ce que représentent véritablement ces fameuses rééditions, qui sortent souvent de terre quelques mois après l’album original, et dont le premier travail qu’elles nous imposent est une petite fouille d’exégète. Qu’est-ce qui était présent sur la version originale ? Quels sont les titres qui ont été rajoutés ? Et plus compliqué : quelle est la valeur de ces titres ? Des laissés-pour-compte de la première édition, et qui ont désormais le visage d’un produit qui ne coûte rien et qui peut rapporter gros après un succès commercial ? Une occasion de faire quelque chose de plus personnel après un disque justement cloisonné par des exigences économiques ?
La dernière occasion en date de s’y intéresser vient de notre Vald national, avec un VV5 qui suit le V sorti au début de l’année. La réédition prend ici la forme d’un double album : sur le second disque, on retrouve l’album de départ, inchangé, et sur le premier, treize titres qui semblent former un album « bonus ». Un ajout plutôt quali puisque, pour commencer par la quantité, la réédition double la durée de l’album de départ. Et on sent que le projet tient à cœur à l’intéressé, puisqu’il est de sortie sur les internets afin d’en faire une vraie promotion. Un effort qu’on avait déjà vu à cette échelle en 2016 avec la réédition deluxe de la première mixtape, NQNTMQMQMB.
Venant de Vald, on est partagé entre deux possibilités : d’un côté, son amour pour l’héritage du hip-hop old school et l’ambiance « mixtape » toujours ultra présente ces dernières années, et qui a toujours eu tendance à accumuler des titres sur un disque pour envoyer du rap sans prise de tête ; de l’autre, sa capacité à sortir du cadre et à proposer quelque chose qui détonne dans le paysage rap français – on pense par exemple à NQNT33, pas vraiment compris à sa sortie.
Sur VV5, disons qu’il y a un peu de tout. On sent quand même que la dénomination d’« album bonus » est légèrement galvaudée, puisqu’on n’a pas du tout la même unité que sur V, que ce soit dans la cohérence artistique ou dans les efforts de production – on n’est pas ingénieur du son, mais on a l’impression d’entendre une différence notable sur le travail de mixage entre les titres de l’album original et les autres. Il y a des titres qui sont ont clairement l’air d’être des morceaux sortis de justesse du premier album, et qui font une réapparition ici, comme l’ouverture du disque, « FORFAIT ». D’autres donnent l’impression d’être un petit kiff que Vald s'offre alors qu’on aurait peut-être pu s’en passer, comme « AUCUN RETOUR », qui pousse peut-être un peu trop loin l’aspect journal intime de sa musique, dans lequel il excelle pourtant.
Et puis, il y a des titres qui sortent du lot, et qui rappellent que le type en a encore clairement sous le capot. Dans une ambiance mélancolique génialement doublée par une prod jungle signée Aociz, « RUFF RYDERZ » est la petite bombe de VV5. Même chose avec « BAD », dont l’instru étend encore davantage son spectre esthétique, du très JuL-ien « MICROPHONE » au très 90’s « TELLEMENT TOI », l’occasion de rappeler qu’il est probablement un des types les plus souples de tout le rap français. Ah, au fait, « Suikon bientôt la mixtape » ? Parce qu’on vient de fêter les dix ans des feats avec Suikon Blaz AD, et que son solo, on l’attend toujours.
Difficile de faire une synthèse sur la qualité des morceaux inédits de VV5. Alors, entre titres qui déchirent, propositions originales et trucs qui auraient pu rester au placard, on va dire que cet album bonus, c’est... un album bonus.