Vox Low
Vox Low
C’est beau, les secondes chances bien négociées. Ça réchauffe le cœur, ça répand l’espoir. Un peu comme un apprenti skateur qui se ramasse une rampe dans les burnes sur une vidéo YouTube et qu’on retrouve plusieurs années plus tard à taper des tricks de l’enfer sur les volées de la butte Montmartre. Aujourd’hui, Vox Low est notre cascadeur anonyme qui a su prendre soin de son entrejambe et remonter en selle au bon moment, avec les bonnes idées.
A l’aube des années 2000, la French Touch euphorise le peuple, lui faisant croire qu’il lui suffit d’enfiler le bon slim pour franchir le seuil des boîtes parisiennes branchouilles - ça remonte donc à l’époque où il était encore tolérable d’utiliser l’adjectif « branchouille ». Ça vend du rêve par mètre cube et les rockeux patinent sur la piste dans un mélange de jus de cuir et de fonds de cocktails prétentieux. Avec le recul, on peut regretter de s’être beaucoup massé sur un mouvement qui a régulièrement heurté les poteaux sans jamais la rentrer dans les filets. La gueulette de bois après une petite décennie de tamponne...
Dans la queue de comète de ces réjouissances, Jean-Christophe, Benoît et leurs acolytes donnent le change disco-punk sous le nom de Think Twice, une formation qui promet une réponse hexagonale aux assauts de la moissonneuse-batteuse DFA. Le projet scintille suffisamment que pour être signé chez FCom avant de doucement prendre l’eau et de s’échouer sur le rivage. A l’instar de centaines de candidats dépités de la Nouvelle Star, le duo aurait pu se résigner à quitter la scène et à accepter un job peinard de vendeur aux Galeries Lafayette. Heureusement, la suite de l’histoire se révèle beaucoup moins chiante que ça.
C’est la nuit. Vous roulez au volant d’une bagnole sans plaque, louvoyant d’une bande à l’autre sur une route sans réverbère. Si le coup de volant n’est pas très assuré, c’est peut-être parce qu’il y a une bouteille de vodka à moitié vide sur le siège passager. Ou peut-être parce que vous en avez rien à foutre. Quoi qu’il en soit, l’album qui bourdonne dans l’habitacle et vient palpiter sur vos tempes, c’est sans aucun doute celui de Vox Low.
Something old, something new. Something borrowed, something Blue Monday. Voilà ce qu’évoque dans les grandes lignes cette résurrection inattendue et finement incubée chez Born Bad Records, notre mère maquerelle préférée. De prime abord, Vox Low lèche les vitrines d’un krautrock qui a bordé l’adolescence des plus sages d’entre nous et picore généreusement dans les bacs des infortunés qui hésitent entre danser ou se passer la corde au cou (Joy Division, Velvet Underground, Can, Gary Numan…). Des sonorités familières pour tous ceux qui diluent leur Prozac dans un verre de goudron. Heureusement pour nous, Vox Low ne se contente pas de jouer les fossoyeurs. L’appel du dancefloor tambourine encore à la porte et on ne laisse pas ce genre de bébé dans un coin. Progressivement, l’album installe son rythme, alternant ciels de plomb et éclaircies trompeuses. A l’arrivée (probablement encastré dans un platane), on se retrouve avec un disque qui donne l’envie d’être triste, assumant ce petit malaise qui rend le quotidien plus intéressant.