Vortex
Special Request
L’époque est à la productivité. Tu me rétorqueras que tu en doutes un peu vu que tu lis cette chronique au bureau plutôt que de remplir le tableur Excel bien planqué derrière. Rectification : en musique, et non pas dans ton bullshit job, l’époque est à la productivité. Entre les innombrables sorties de King Gizzard And The Lizard Wizard, les fausses mixtapes / vrais albums de 25 titres taillés pour le streaming des rappeurs US et les producteurs électroniques qui sortent des archives en veux-tu en voilà, tout le monde tente d’avoir l’actualité la plus remplie possible. C’est bien simple : chacun rêve d’être Gucci Mane, époque taule. Dans ces conditions, voir Special Request annoncer quatre disques en un an tient presque du banal. Ce Vortex qui amorce la série annonce pourtant tout sauf des banalités.
L’un des gros problèmes de Belief Defect, précédent disque de Special Request (de son vrai nom Paul Woolford), était très clairement sa deuxième partie. Là où la première était méchamment puissante, les derniers morceaux viraient vers une ambient alien finalement assez dispensable. Vortex, contrairement à son prédécesseur, ne se perd pas en chemin et recentre totalement le propos, proposant un produit complètement crade pour tous les junkies en mal de club music. Sur ces 40 petites minutes, ce sont tout simplement quelques décennies de musique de club qui viennent s’entrechoquer et s’abâtardir mutuellement, comme sur ce dernier morceau qui mêle arpèges mélodiques et 4/4 bien abrutissant proche du gabber. Car si ce disque est clairement radical dans son esprit, il se veut constamment euphorique, loin de la techno de hangar et ses obsessions dystopiques. Special Request renvoie constamment à tous les sous-genres de la bass music anglaise des années 90s, et surtout à ce côté feel good et cette capacité à jouer sur des lignes mélodiques simples et évidentes.
De ce creuset d’influences (techno, house, jungle, gabber, tout y passe), Special Request sort un disque qui transforme le hardcore continuum en briques Lego. Et si le niveau technique de Paul Woolford est tout bonnement excellent, Vortex n’est pas un hommage à Goldie, Source Direct ou toute autre légende de l’époque. Non, Vortex est juste un disque fait pour le fun. Abordant chez Resident Advisor sa logique de production, Paul Woolford déclarait avoir un "chair test": "If I'm still sitting in the chair when I'm listening back, the tune is shit. Simple as that". Standing ovation de notre côté.