Volume Two
Dom Kennedy
Chaque année c'est la même rengaine : on se demande pourquoi certains des secrets les mieux gardés du rap californien attendent la fin de l’été pour sortir de leur mutisme. Peut-être parce que, dans ce coin du globe où ils enregistrent leur musique, on continue de mettre des marcels en novembre. Sans doute aussi parce qu’ils préfèrent prêcher pour leur paroisse plutôt que d'espérer percer à l’international. Une description qui colle bien à l'idée que l'on se fait de Dom Kennedy : celle du stoner rapper sympathique et inoffensif qu’on invite en studio parce que sa cookie kush est d’excellente qualité.
Sur disque pourtant, si Dom Kennedy semble flirter en permanence avec l’average good, il garde pour lui un charisme et un capital sympathie certains. Quant à son nouveau disque, Volume Two, il ne laisse planer aucun doute sur ses ambitions : c’est un disque de rap californien pour les Californiens. Sur celui-ci, Dom Kennedy incarne encore et toujours cette force tranquille, ce flow un peu lascif (voire franchement fainéant) qu’il balade dans des productions dont la douceur n’a d’égal que le roulement des pneus sur le bitume fraichement posé. Avec la ride comme fil directeur, Dom Kennedy est loin du tumulte de cette vie de gangster si chère à ses collègues de palier. Son truc à lui, c’est de rouler tranquillement avec sa Cadillac dans les rues de la ville qui continue de le voir grandir, idéalement accompagné de deux bimbos qui reposent leurs majestueux arrière-trains sur la banquette arrière. Une manière de dire qu’on le voit ici comme le plus illustre tonton du rap de la cité des anges, le genre de type malin qui cache bien son jeu et qui arrive toujours à nous mettre dans sa poche.
Car à l’écoute de Volume Two, le miracle opère encore et on se dit qu’il ne faudrait pas grand-chose à Dom Kennedy pour pondre un grand album. Car lui seul détient une recette qui fait de sa musique un concentré d’ultraviolets, comme si le mec coupait en deux l’astre solaire pour le presser et en faire infuser le précieux nectar dans ses disques. Avec une nonchalance à laquelle peu peuvent prétendre dans le rap en 2018, l’oncle Dom se trace une voie royale, jamais tout à fait G-funk, mais pas vraiment stoner rap non plus. Volume Two est donc un feel good album d'excellente facture, bien qu’il continue de laisser son géniteur en marge d’un rap jeu terriblement compétitif. Dans le fond, on se demande bien pourquoi les choses changeraient : après tout, s’il arrive à se dégager des revenus confortables et que son public féminin exhibe ses seins au premier rang de ses concerts, comme il l’affirme sur "No Matter What", à quoi bon avoir de l’ambition quand on vit la vie de rêve ?