Volume 3
She & Him
L'image que se fait le public de She & Him est quand même sérieusement biaisée. D'un côté, il y a le über-likeable M. Ward, guitariste génial, songwriter précieux, homme discret et artiste à la discographie solo inattaquable. De l'autre, il y a Zooey Deschannel, l'ex-madame Ben Gibbard, la reine du quirky, des robes à pois et des cupacakes, la fille dont t'es tombé amoureux dans 500 Days of Summer et qui te fait craquer dans New Girl mais que ta copine déteste probablement. Et tandis que M. Ward bénéficie d'une cote de popularité assez démentielle dans les sphères indépendantes, Zooey Deschannel a plutôt tendance à polariser dans ces mêmes cercles – et à charrier derrière la moindre de ses sorties quelques semi-remorques de haters.
Forcément, vu la situation et le planning très chargé de la moitié féminine du projet She & Him, on a rapidement tendance à penser que M. Ward fait une fois de plus office d'éminence grise, lui qu'on a déjà croisé chez Bright Eyes, My Morning Jacket ou même Alain Bashung. Pourtant, un peu à la surprise générale, c'est Zooey Deschannel qui se charge d'écrire tous les morceaux du groupe, M. Ward se limitant à apporter sa guitare, se fendre de quelques backing vocals, mettre le tout en musique et de produire - c'est déjà pas mal me direz-vous. C'est d'ailleurs comme cela depuis les débuts du projet, mais tout le monde semble s'en foutre. She & Him, c'est donc l'expression la plus simple des envies musicales d'une fille qui ne surjoue certainement pas son personnage et qui a tout l'air de souffrir d'une timidité maladive et d'un énorme problème de confiance en elle – raison pour laquelle, d'ailleurs, le groupe ne se produit que fort peu en live.
Après, une fois ces quelques remarques liminaires envoyées, il faut se pencher sur l'objet à proprement parler, qui a ceci d'emmerdant pour le chroniqueur un peu méticuleux qu'il est – stylistiquement parlant du moins – la copie conforme des deux premiers volumes de la série She & Him. On retrouve sur Volume 3 cet amour pour la pop californienne des 60's (ça c'est she), ces hommages très discrets mais toujours très justes au folk sépia (ça c'est him), quelques reprises (dont une de Blondie, pour le morceau le moins du disque), des textes qui frôlent plutôt habilement avec la niaiserie et une ambiance générale qui alterne entre joies et déceptions – amoureuses, il s'entend. La comfort zone dans tout ce qu'elle a de plus rassurant.
De fait, le champ d'action est tellement bien balisé que chroniquer un album de She & Him en 2013 revient surtout à s'interroger sur la qualité du songwriting, qui est ici d'excellente facture. Toujours aussi à l'aise dans l'exercice de ballade légèrement désabusée que dans celui qui consiste à pondre des refrains qui se sifflotent dès la première écoute, le binôme américain nous pond un disque qui est peut-être le plus abouti et le plus réussi de sa discographie – même si on se laisse encore un peu de temps et quelques dizaines d'écoutes pour porter ce genre d'avis bien définitifs. Dans l'intervalle, on profite.