Vieux frères - partie 2

FAUVE

Fauve Corp – 2015
par Denis, le 2 mars 2015
5

FAUVE et Goûte Mes Disques, c’est une histoire particulière, comme on a déjà eu l’occasion de vous le répéter. Au printemps 2012, nous avions mis en évidence l’excellent titre “Kané” sur la huitième livraison de nos compilations Jeunes Pousses ; un pari gagnant, plusieurs mois avant la ferveur généralisée qui a accompagnée la sortie de l’EP Blizzard, dont nous avions vanté l’audace et l’élégance. L’écriture, portée par un “spoken word” efficace, était focalisée sur un spleen générationnel (désigné par la métaphore du “blizzard”) et sur les moyens de le dissiper. Impulsive et parfois naïve, elle se révélait séduisante tant la volonté des Parisiens de mettre leur cœur à nu apparaissait sincère et urgente. FAUVE retenait également l’attention pour sa dimension artisanale : se présentant comme un projet collaboratif – un corp –, le groupe affirmait très tôt son désir de garder le contrôle de ses propres productions, quitte à refuser les sirènes des majors pour s’autoproduire. Très vite, le succès dépasse les attentes : 445 000 followers sur Facebook, des tournées sold out et un projet de premier album en deux volets destiné à confirmer les attentes suscitées par une émergence fulgurante. En ce qui concerne cette étape, on est toutefois en droit de se demander si FAUVE n’a pas vu un peu trop grand : le premier volet de Vieux Frères, grâce à quelques titres de fort belle facture (“Infirmière”, “Lettre à Zoé”, “Loterie”), se révélait stimulant, tout en perdant – logiquement – en spontanéité et en versant quelquefois dans une forme de mysticisme tendant vers le maniérisme ; le second ne parvient que trop rarement à maintenir le niveau.

Si on peut se réjouir, pour les membres du groupe, que le pessimisme qui nimbait leurs premières compositions ait plus ou moins disparu, il est sans doute regrettable qu’il cède tantôt la place à des élans mièvres (“Le feu s'est éteint et je sens le sommeil qui gagne du terrain / Je vais m'endormir contre vous, respirer doucement / Parce que je sais où nous allons désormais” sur “Révérence”), tantôt à des envolées prétentieuses (“Azulejos”, poème adolescent sans musique aux accents saeziens, et “Les hautes lumières”, dont le refrain délicat ne suffit pas à masquer la grandiloquence), tantôt encore à des tentatives d’incursions hip-hop cadrant mal avec la posture proprette du collectif (“Montez les basses, dégueulez les kicks, faites péter les snares la nuit va être longue vieux frère” sur “Paraffine”). De même que les instrus paraissent moins singulières, s’évertuant à mettre le texte en évidence, l’écriture tourne en rond : les motifs du “chant de marin”, de l’“épiphanie”, du “feu” façon boy-scout et des “couilles sur la table” peuvent certainement être mobilisés à une reprise, mais, répétés de chanson en chanson, ils perdent de leur sens et deviennent des gimmicks suspects d’auto-parodie. En réalité, le groupe avait certainement les armes pour livrer un très bon disque, et a préféré en produire un intéressant et un très moyen. Si le moment est peut-être venu de prendre un peu de distance avec FAUVE, il ne s’agit cependant pas de fustiger un projet au sujet duquel nous n’avons pas été avares d’éloges par le passé : d’abord, parce que la deuxième partie de Vieux frères comporte tout de même quelques titres intéressants, à l’image de l’exotique “Tallulah” ; ensuite, parce que les travers de ces deux premiers albums peuvent être mis sur le compte d’un excès d’enthousiasme et d’ambition qu’il serait malvenu de condamner.

Le goût des autres :
4 Maxime