Vie étrange
Dominique A
Un album inspiré par le confinement du printemps, et qui sort pour le confinement d’automne… avouons que le timing est plutôt bien senti. Pourtant, ce genre d’argument de vente peut faire peur, tant les régurgitations du premier lockdown par les écrivains, humoristes, musiciens nous ont souvent laissé de marbre. C’était sans compter sur Dominique A qui, avec Vie étrange, enrichit une discographie d’une qualité et d’une régularité exemplaires.
La bonne idée du disque est d’évoquer la thématique du confinement non pas avec ses mots, mais avec ses sons. Des mélodies simples, une orchestration minimaliste (une boite à rythmes, un clavier, parfois une guitare) et un chant à faible volume, presque chuchoté, suffisent à nous ramener quelques mois en arrière. Apparaissent dès lors ces après-midis interminables, les cadrans qui tournent au ralenti, le silence, les non-dits, la poussière qui danse dans un rayon de soleil puis s’accumule sur un rebord de fenêtre, le silence, une atmosphère gris-bleu, un sursaut de vie, des corps qui peu à peu perdent de leur chaleur, le silence.
Si ce tableau quelque peu neurasthénique peut faire peur, rassurez-vous, Dominique A parvient à insuffler des ambiances différentes à l’intérieur de son concept : nostalgique dans « Papiers froissés » ou « Un endroit mystérieux », entrainante dans « A la même place » ou « Les éveillés » ou encore lumineuse dans « Wagons de porcelaine » ou « Sols d’automne ».
L’album est aussi l’occasion de deux hommages : une reprise de « l’éclaircie », titre de Philippe Pascal (leader de Marquis de Sade et de Marc Seberg) disparu en septembre 2019 et « Vie étrange » plage vibrante où sonorités, textes et intonations de voix évoquent le toujours plus regretté Christophe.
S’il est certain que Dominique A ne sort pas de sa zone de confort (mais le peut-on quand l’État nous y enferme ?), avec Vie étrange, le chanteur nous propose dix titres qui condensent l’essentiel de son art. Cette capacité d’écrire des chansons simples qui entrent en résonance avec nos vies. En définitive, Dominique A reste ce cousin (ajoutez « petit » ou « grand » si la différence d’âge est trop importante) éloigné que vous retrouvez une fois par an. Un être discret, mystérieux, et qui fait toujours l’unanimité les quelques fois où il s’exprime. Un mélange de mesure, de sensibilité et de bienveillance. Une valeur, une chaleur, sûre.