Van Weezer
Weezer
Ça fait vingt ans que ça dure, depuis la sortie du Green Album. Tout ce temps à continuer d’aimer sincèrement Weezer. Et à celles et ceux qui nous rabâchent les oreilles à coup de « à part le Blue Album et Pinkerton, il n’y a rien eu de bon depuis, Matt Sharp avait tout compris », on serait bien tenté de répliquer avec cette même mauvaise foi qui anime un débat auquel GMD n’a jamais manqué une occasion de participer, autant en off qu’en public, le groupe américain étant devenu avec les années une sorte de mème à lui tout seul.
Au final, oserions-nous dire que ce sont peut-être ces éternels déçus qui n’ont jamais réussi à digérer que la période 1994-1996 c’est bien fini et que non, ils ne seront plus jamais ces jeunes gens buvant des bières sur le son de « Surf Wax America » ou de « El Scorcho » sans se soucier de la gueule de bois XXL qui les attendait en guise de vie? Les mêmes qui aujourd’hui sont devenus intarissables à propos de Kind Of Blue (décidément encore du bleu, il faudrait peut-être songer à consulter) quand ils s’encanaillent à l’apéro à coup d’IPA hors de prix, qui nous rappellent surtout que malgré une jolie cannette pimpée par un pote graphiste, il y a ce fâcheux risque qui nous pend au nez de : privilégier la forme au détriment du fond et d’un vrai savoir-faire juste pour être raccord avec les tendances. Mais on s’égare.
Parce que depuis le temps, on en a vu défiler des apprentis Weezer, mais il leur manquait à tous ce qui fait la différence, pour le meilleur et pour le pire : Rivers Cuomo. L’épisode douloureux de Pinkerton digéré depuis belle lurette, le gaillard est resté cet insatiable faiseur de mélodies foncièrement pop portées par une sincérité à l’épreuve des balles, alliant une candeur quasi juvénile et une mélancolie insondable qui fait mouche bien plus souvent qu’on ne veut bien l’admettre. On ne va pas faire l’affront de revenir sur la douzaine d’albums parus depuis 2001 sur lesquels il y aurait tant à dire, mais depuis l’excellent Everything Will Be All Right In The End (2014) et un White Album (2016) aux airs de cadeau aux fans de la première heure, Weezer est revenu dans les bonnes grâces de celles et ceux qui ont pris la peine de les réécouter. Dans cette optique, on leur conseillera ce Van Weezer qui nous occupe car il y a une vraie filiation avec ces deux albums susmentionnés, certaines idées datant d’ailleurs de cette époque (« Beginning Of The End »).
À ceci près qu’en plus d’être clairement taillé pour la scène, ce qui frappe dès l’ouverture de cet hommage assumé à Van Halen et au hard rock si cher au groupe, c’est cette production hyper dynamique qui risque de vriller les oreilles de plus d'un·e puriste. Il faut dire qu'on la doit à la jeune Suzy Shinn (Panic! At The Disco, Dua Lipa, Fall Out Boy), elle qui devait être à peine sortie du ventre maternel quand « Buddy Holly » squattait les ondes, mais qui semble avoir été en phase avec la volonté du groupe à ne pas lésiner sur les effets de manches. Niveau esprit, l’ambiance est plutôt à la fête et les références au passé ne manquent pas : « I Need Some Of That » fait clairement écho à « In The Garage » au niveau des textes et on y retrouve même la voix de feu Ric Ocazek captée à l’époque de l’enregistrement du Blue Album qui vient ainsi hanter l’outro. Et quand ça n’est pas l’épique « Blue Dream » qui recopie le riff du « Crazy Train » d’Ozzy Osbourne, on n’est pas étonné d’apprendre que « Sheila Can Do It » – en plus d’être l'un des meilleurs titres de l’album avec « 1 More Hit » – date des sessions de Pinkerton, nous rappelant furieusement « Across The Sea », mais en mode majeur. Une raison de plus d’espérer que le groupe finisse par publier la kyrielle de titres accumulés au fil des années autrement que sur des fichiers disséminés aux quatre coins du Net. Parce que c’est bon les gars, on n'a plus vingt ans.