Valentina
The Wedding Present
The Wedding Present gardera toujours une place de choix dans le cœur de votre serviteur. Petit flashback personnel si vous me l’autorisez : Watusi est le deuxième CD que j’ai acheté à sa sortie à l’automne de mes treize ans en soutirant les 25 francs nécessaires de manière totalement éhontée et frauduleuse à mes chers parents. Moi qui versais à l’époque dans le rock et le heavy seventies le plus classique qui soit, le choc fut musicalement, émotionnellement et physiquement intense. Je n’ai pas compris cette musique. Ou du moins mon cerveau ne l’a pas comprise. Mon corps en revanche, lui, a tout saisi. Il s’agissait d’une édition spéciale avec un EP en bonus comprenant notamment deux titres fabuleux : « Le Bikini », un instrumental dédicacé à « la meilleure salle de concert en Europe » selon les dires de Gedge. Mais c’est surtout « Flame On » qui m’a embrasé. Un riff de guitare à la wah wah dévastatrice, qui vous vrille la tête et le reste.
Je me rappelle ainsi avoir passé l’après-midi entier de son écoute dans une cérémonie religieuse avec les jambes et les bras qui n’arrêtaient pas de trembler de manière incontrôlable. L’œuvre du démon, s’empresseront de suggérer certaines personnes alarmées par mon comportement inhabituellement agité. Grand moment. Fin de la parenthèse.
David Gedge est un vieux de la vieille. Il appartient à cette catégorie de piliers de l’indie rock qui a vécu les moments d’effervescence des années 80, apporté quelques pierres à l’édifice de la légende avec des albums essentiels (George Best, Bizarro, Seamonsters) et fait montre d’une réelle personnalité musicale et d’une intransigeance assez mignonne même si elle n’a rien de révolutionnaire (la fabuleuse idée de sortir un single et une cover par mois pendant un an et le fait que le groupe ne fasse jamais de rappels en concert, par exemple).
Tout ceci a toujours concouru à faire de The Wedding Present un groupe éminemment sympathique. Mais ce qui rend le groupe encore plus attachant, c’est sa musique. En effet, on n’aura pas vraiment eu l’occasion de trouver à redire sur des albums et une carrière qui, si elle se poursuit de manière plus discrète depuis les nineties, reste d’une qualité quasi égale.
Il est par ailleurs amusant de se rappeler qu’en 2004, à l’époque de son retour avec l’excellent Take Fountain, The Wedding Present faisait partie des groupes qui ouvraient le bal pour le meilleur, et malheureusement souvent pour le pire, de la vague ininterrompue depuis des reformations. En même temps et comme nous le disions récemment au sujet de Guided By Voices, The Wedding Present est avant tout le groupe d’un seul homme, même si comme le soulignait récemment David Gedge à nos confrères de Magic RPM, la vie du groupe se déroule de manière relativement démocratique. En tous cas, contrairement à nombre de ses consorts ayant suivi la mode des reformations à gogo, la carrière du groupe reste cohérente et de très bonne tenue, et n’évoque en rien des motivations uniquement liées au doux son du tiroir-caisse.
Ainsi, un nouvel album du Wedding Present provoque à chaque fois une sensation de bien-être qu’il est difficile d’expliquer. Retrouver ces guitares qui cavalcadent au détour d’un refrain, ces distorsions crues et sèches, ces mélodies douces-amères, ces gimmicks et paroles qui font mouche, et surtout cette voix, si particulière et atypique dans le monde du rock, est toujours aussi plaisant. Une sorte de nostalgie doucement euphorique. Comme revenir sur un lieu de vacances en bord de mer chargé de bons souvenirs. On retrouve les paysages, les couleurs, les odeurs.
Mais loin de nous l’idée d’accuser le groupe de jouer la carte du sentimentalisme et de capitaliser sur ses acquis, car même si la patte est aisément reconnaissable, chaque album a su creuser un peu plus le sillon, affiner le propos, perfectionner la manière. En bref, si The Wedding Present peut à ce point représenter l’archétype du groupe de pop indé, il s’en distingue pour autant admirablement de par son particularisme et le langage musical qu’il a su développer, avec ses contrepieds et son refus de la facilité.
Valentina est donc le neuvième cadeau du Wedding PResent. Et autant dire qu’avec le trio d’entrée "You’re Dead", "You Jane" et "Meet Cute", on entre directement dans le vif du sujet et que, sans vouloir utiliser d’allégorie douteuse, la nuit de noce n’est pas prête de s’achever. On devine par avance que ce seront des temps forts des concerts à venir.
La palette utilisée sur Valentina se situe entre ses deux prédécesseurs, Take Fountain et El Rey, c’est-à-dire entre la chaleur sensuelle et mélancolique du premier et le côté plus rêche du second. Un album de synthèse et de transition, dans lequel on sent une maturation et une longueur en bouche qui relèvent plus du Saint Emilion que du Beaujolais primeur. La production est parfaite et les textes doucement acides et ironiques révèlent Gedge comme un fin observateur des relations de couple.
A partir de là que demander de plus ? Les fans seront une nouvelle fois comblés et ceux qui découvriront seront à coup sûr conquis. On voit mal comment on ne pourrait pas aimer Valentina et Wedding Present. Le divorce est donc loin d’être à l’ordre du jour.