Vacuum Sealed
Bryan's Magic Tears
Chose assez remarquable pour JB Guillot : en quinze années d’existence, son label Born Bad Records est parvenu à garder sa pertinence et marquer l’air du temps, alors que les groupes qu’il a pris sous son aile se revendiquent souvent d’influences qu’il faut aller chercher assez loin dans les annales du rock. Mais c’est là que réside tout le flair du bonhomme, et tout ce qui fait la magie du label : ses pensionnaires sont habités par une telle rage d’en découdre que le pied est total, et le bon esprit qui y règne a toujours permis de faire éclore des produits qui n’essaient pas de nous poncer les cordes sensibles avec la délicatesse d’un hardeur sous coke.
Si les références à des panthéons personnels sont légion chez les artistes Born Bad, c’est présenté avec suffisamment d’intelligence pour qu’on n'ait pas envie de piétiner des coquilles vides. Ce n’est pas toujours le cas chez Bryan’s Magic Tears : ses influences, le groupe les revendique parfois dans un attitude dont on ne sait trop si elle tient de la posture crâneuse ou juste de la paresse crasse. Ces emprunts, notamment à tout un âge d’or de l’indie US des 90s, ils étaient bien présents sur 4 AM en 2018.
Mais le groupe passe encore un cap dans la façon d’assumer l’héritage laissé par ses modèles sur Vacuum Sealed, troisième album qui flaire bon l’Angleterre du Screamadelica de Primal Scream, de l’éponyme des Stone Roses, du Loveless de My Bloody Valentine, et du Psychocandy de The Jesus & Mary Chain. Venant d’un songwriter qui, au micro des copains de Mowno lorsqu’on le questionnait en 2018 sur le prochain album, disait vouloir « éviter les clins d’œil évidents » sur ce nouvel album, c’est loupé. Par contre, là où il est difficile de s’en prendre à Benjamin Dupont, c’est sur l’écriture : c’est tellement bien ficelé que même quand on a l’impression d’être devant un cover band, on ploie devant l’efficacité du propos – un titre comme « Excuses » en est un parfait exemple.
Mais comme on pouvait s’y attendre, c’est quand le groupe parvient à prendre quelque peu ses distances par rapport à ses modèles qu’il trouve l’équilibre parfait entre courbettes inévitables et envies d’indépendance créative. Et à ce titre, la seconde partie du disque fonctionne beaucoup mieux que la première, car elle n’agit pas comme une sorte de blind test géant qui a parfois tendance à occulter les qualités évidentes dont peut se prévaloir Bryan’s Magic Tears, mais révèle le groupe dans toute sa versatilité et dans toute sa sensibilité – écoutez donc « Tuesdays (Bye Molly) » ou « Isolation » et vous comprendrez.
Sur le Bandcamp de Born Bad, le texte qui accompagne Vacuum Sealed parle d’un « classique absolu ». Si on repassera pour le sens de la mesure chez la personne qui cherche à nous convaincre, on peut lui donner raison si ce nouvel album du groupe parisien ne se lit qu’à l’aune des disques qui l’ont influencé. Alors oui, Vacuum Sealed est un classique absolu. Mais uniquement par procuration.