Uppers
TV Priest
On s’est tous déjà retrouvé dans cette situation inconfortable qui consiste à défendre un artiste que l’on est seul à détester. Et ces dernières années, j’ai appris que dire du mal d’IDLES est aussi bien vu qu'une premier rôle de Michael Youn chez Michael Haneke.
C’est vrai quoi, ces gars sont les sauveurs du rock, la fraîcheur incarnée, le meilleur groupe live de la planète, et la solution aux embouteillages dans les grandes métropoles. Il paraît même qu’à chaque prout de Joe Talbot, un aveugle retrouve la vue. Alors que pour moi, IDLES, c’est un premier album prometteur, et un groupe qui regarde un peu trop son nombril depuis. L’impression désagréable qu’IDLES ne veut faire que du IDLES, et n'écoute que du IDLES. Les années passent, les albums se succèdent, et leur musique ressemble aujourd'hui à une belle Lamborghini Aventador avec un moteur de Kia Sorento sous le capot. La bonne nouvelle, c’est que tout ce que je voudrais retrouver chez IDLES, je l’ai trouvé chez TV Priest.
Ne nous méprenons pas sur mes intentions : je ne veux pas faire de TV Priest un substitut aux failles que je détecte chez IDLES. Car si le groupe de Joe Talbot est aujourd’hui aussi haut, cela s’explique autant par la qualité de certains titres (difficile de dire du mal de « Mother », « Danny Nedelko » ou « Colossus ») que par l’énergie folle déployée en concert. Et malgré tout le plaisir que me procure TV Priest, Uppers ne contient aucun single capable de rivaliser avec les trois titres cités plus haut. En réalité, il n’est même pas exclu que ces sympathiques Londoniens doivent se satisfaire d’un pauvre succès d’estime, celui que l’on réserve à ces petits soldats sans qui l’industrie musicale ne saurait exister. Et il n’est pas à exclure non plus que le groupe soit au rock de 2021 ce que les Rakes, Hot Hot Heat ou Radio 4 furent en leur temps : une fort agréable distraction, une façon intelligente de combler le néant de nos existences dans l’attente du plan promo d’un nouveau groupe à la mode qui va nous bouffer un maximum de temps de cerveau sans que l’on ait rien demandé. Mais qu'importe finalement.
Et puis gardons un peu la foi : il y a suffisamment de bonnes choses sur Uppers pour que l’on ait envie de penser à des jours encore meilleurs pour TV Priest, à commencer par l’espèce de bombe H qui clôture l’album : avec ses 7 minutes qui convoquent sur un même titre l'intensité de Protomartyr, la virulence de Wire et l’agressivité des Cloud Nothings période Attack on Memory, « Saintless » fait souffler un vent de liberté sur une formule parfois trop corsetée, probablement plombée par l’envie de plaire à son époque, de faire comme plein d’autres groupes en 2021, comme en attestent « The Big Curve » ou « Decoration », qu’un nouveau groupe propulsé « next big thing » du post-punk anglais s’empressera de nous faire oublier en convoquant les mêmes arguments. Est-ce que cela doit pour autant vous décourager à écouter Uppers ? Certainement pas, surtout que le temps que vous leur donnez, c’est du temps qu'IDLES n'aura pas, et ça, c’est déjà une petite victoire sur la vie.