Universal Themes

Sun Kil Moon

Caldo Verde – 2015
par Michael, le 26 juin 2015
8

Le problème de ce nouvel album de Sun Kil Moon, c’est qu’il arrive un an à peine après Benji. Un disque qui a trusté une bonne quantité de tops de fin d’année en 2014, presse écrite, webzines et blogosphère compris. Ue merveille de folk qui aura mis tout le monde d’accord, de Pitchfork à Fact Mag, et qui aura eu le mérite de replacer sur le devant de la scène un Mark Kozelek plus que jamais prolifique ces dernières années mais dont les heures de gloire semblaient reléguées pour le commun des mortels aux premiers albums des Red House Painters.

C’est un raccourci bien triste tant, dans une carrière musicale, la quantité a aussi peu souvent rimé avec qualité. Pourtant, on est prêt à parier que ce Universal Themes ne marquera pas autant les esprits que Benji a pu le faire. Il serait toutefois dommage de passer à côté car cet album poursuit une route qui n’appartient désormais qu’à Kozelek, où l’autofiction narrée dans ses textes n’a que peu d’équivalents dans le petit monde de l'indie.

Il y a deux différences de taille et assez remarquables avec ce nouvel album. D’une part, là où Benji était un album funéraire lumineux, désespérément triste mais également doux, apaisant et presque lumineux; Universal Themes est un ensemble de chansons bien plus rugueuses, une célébration de la vie et un encouragement à en savourer chaque instant, Kozelek prenant clairement acte de sa décrépitude physique, du temps qui passe, de ceux qui restent et de ceux qui partent.

L’autre différence, on vient de l’évoquer, se situe sur la forme. Bien qu'Universal Themes soit autrement plus direct que Benji, et plus positif d’une certaine manière, il reste pourtant plus difficile à appréhender. Les structures sont plus complexes, avec des brisures, des virages parfois abrupts comme sur « The Possum » ou sur « With a Sort of Grace I Walked to the Bathroom to Cry » où Kozelek ressort sa vieille pédale de disto héritée du Neil Young de Crazy Horse. L’ensemble est clairement plus brut de décoffrage que Benji ne l’était, et ça se ressent également dans le chant de Kozelek qui s’autorise quelques saillies assez surprenantes.

Universal Themes, c'est écouter Kozelek se faire chier comme un rat mort dans une station de ski suisse sur le tournage du prochain Paolo Sorrentino, c'est résister à la tentation de l'adultère, c'est bouffer des spaghetti pomodoro pour la 38ème fois en un mois. C'est aller voir un concert d'une vieille gloire des 90's et ne pas supporter ses nouvelles chansons. C'est se remémorer le souvenir impérissable d'un baiser backstage dans les bras de Rachel Goswell (Slowdive) alors que ta copine de l'époque est jute à côté. C'est croiser Jane Fonda dans un hôtel, discuter cinéma, essayer de l'inviter à dîner et se prendre un vent. Ce sont les anecdotes et les moments de magie et d'insouciance avec Will Oldham ou Justin Broadrick en tournée. C'est aussi les problèmes de surpoids et de régime d'un mec de 48 ans, de dents pétées et de gencives qui saignent, d'amitiés indéfectibles, c'est enfin la difficulté d'être éloigné des siens quand ils souffrent. 

Universal Themes, c'est donc tout ça mais c'est bien plus encore. Mais Universal Themes, c'est surtout la collusion magnifique et toujours aussi fascinante du trivial et de moments de lucidité existentiels. La friction permanente entre la mort et la rage absolue de rester en vie, jour après jour.

Le goût des autres :
7 Maxime