Universal Death Church
Lord Mantis
Si j’écoute du métal avec un réel plaisir depuis que je suis en âge d’aimer Slayer sans courir me cacher sous ma couette, je n’ai pas la prétention de me dire expert en la matière. Forcément, cela veut dire que malgré une ouverture d’esprit à toute épreuve, celle-ci est parfois ébranlée par de bons gros préjugés. Et donc quand j’entends le nom de Lord Mantis, s’imprime directement sur ma rétine la tronche peinturlurée d’un Norvégien qui fait peur aux enfants. Abbath quoi. J’imagine un album exclusivement constitué d’épopées true black metal qu’on diffuse à fond les ballons dans les geôles de Guantanamo. Bref j’imagine tout ce que ce disque de Lord Mantis n’est pas, malgré d’évidentes accointances avec les sphères BM perceptibles dès les premiers assauts de « Santa Muerte ».
Non, pour être dans les bonnes grâces des puristes, on parlera plutôt de blackened sludge dans le cas des vétérans de Chicago qui, et les mêmes puristes ne manqueront pas de le souligner, sortent là leur premier album en cinq ans. Pourquoi un tel délai me direz-vous ? Déjà parce que le chanteur du groupe, Charlie Fell, a eu l’excellente idée de rejoindre Cobalt et de sortir avec le groupe un double album absolument monstrueux et d’une ambition phénoménale, Slow Forever. Ensuite parce que le batteur du groupe Bill Bumgardner s’est suicidé en 2016. C’est d’ailleurs la volonté des autres membres de Lord Mantis de lui rendre hommage qui est à l’origine de cette reformation et de ce nouvel album pour Profound Lore.
Mais revenons à Universal Death Church, un disque qui ne s’adresse pas qu’aux seuls puristes vu sa capacité à toucher un public plus large – on ne parle pas ici des fans de Garou ou de Ninho, mais bien des oreilles curieuses capables de s’enfiler des disques des Queens of the Stone Age, Rammstein ou Ghost, mais qui n’ont jamais été plus loin dans leurs explorations par paresse ou faute de temps. Derrière les logos un peu cracra et les noms qui amalgament organes et moyens de les annihiler se cachent souvent des groupes comme Lord Mantis. Et ces derniers captent toute notre attention par la force de frappe qu’ils déploient, par leur capacité à séduire même en acoustique (superbe « Low Entropy Narcosis), par la facilité avec laquelle ils intègrent d’autres genres à l’équation ou par le magnétisme absolu d’un Charlie Fell qu’on soupçonne d'être frappé de schizophrénie. En fait, c’est bien simple : comme sur le Slow Forever de Cobalt, on retrouve chez Lord Mantis une amplitude de jeu et une capacité à habiter le disque qui fait penser à un groupe comme Swans.
Varié, imprévisible, malsain et bien évidemment d’une sacrée violence, Universal Death Church est un disque extrême certes, mais pas dans le sens où il repousse ses propres limites dans le seul but d’épater la galerie. Non Universal Death Church est un album qui flirte avec les limites dans le but de mieux les apprivoiser, et quand c'est le cas, il affiche sa volonté farouche de faire bouger les lignes, avec une finesse et une intelligence remarquables.