Unfinished
Burkhard Stangl
On est toujours heureux de poser une oreille sur les publications de Touch Music. Non seulement parce qu’elles sont souvent l’œuvre de très grandes pointures (facile quand on se pointe avec un catalogue qui aligne Fennesz, Jana Winderen, Chris Watson, Biosphere, Phill Niblock et consorts), mais également parce que les nouveaux venus sont accueillis comme des seigneurs déjà adoubés (on se souvient de la claque prise avec l’arrivée de Sohrab). C’est donc avec une certaine excitation que l’on retire le film plastique qui entoure ce disque de Burkhard Stangl, convaincu que l’on tient là notre prochain objet sur lequel s’acharner, écoute après écoute. Burkhard est Autrichien, grand pote de Christian Fennesz (pour avoir participé notamment à Venice), et a publié, en vingt ans, des dizaines de captations sonores sur autant de labels microscopiques. Bref, un improvisateur au parcours classique, exagérément productif et excessivement difficile à retracer, tant historiquement que musicalement. Toujours est-il que cette fois, sur Touch Music, on risque de ne pas le rater.
On ne va pas faire de mystère, le travail de Burkhard Stangl oscille ici entre le bon et le dispensable. Pas de grand mystère donc, puisque le travail de Stangl ressemble de près à pas mal d’improvisations qui ont pu passer sur la table d’opération dans cette même pièce. Un homme, une guitare électrique jouée en arpèges et des machines posées à même le sol (histoire de générer autant de drone/ambient que de craquements et autres interférences). Un boulot langoureux et paisible (la première piste aligne trente-trois minutes d’improvisation) qui ne bouscule pas grand-chose à la première écoute. Les guitares jouées en arpèges sont d’ailleurs le grand classique de la prise de risque niveau zéro, il suffit alors de les habiller d’un peu de texture ambient/expé pour entrer dans le grand moule de l’œuvre molle de la bite, pas forcément fracassante, mais qui trouvera toujours son lot de défenseurs au sein de la ligue des intellos mal baisés (on le sait pour avoir été membre de cette ligue des années durant). Le tout, finalement, est d’éviter la médiocrité. Et en ceci Burkhard est bien trop fort pour se laisser prendre au piège, parvenant sans trop de mal à atteindre les standards minimums d’immersion et d’enrobage pour arriver en bonne place dans les charts hebdomadaires de sites de référence comme Boomkat.
Mais ne crachons pas dans la soupe, ce Unfinished – le disque s’inspirant des pièces inachevées du peintre romantique anglais William Turner – parvient à séduire gentiment, surtout quand les guitares se font moins présentes – où quand l’arrière-plan se fait plus présent, c’est selon. D’ailleurs, quand les guitares décident de fermer leur gueule définitivement, on assiste à un étalage d’une tristesse froide, les drones se chargeant d’imposer une cadence bien plus en adéquation avec un disque venu de chez Touch. Bref, on ne va pas vous emmerder plus longtemps, vous l’aurez compris, ce Unfinished possède les défauts de ses qualités, à savoir une immersion gentillette, un peu facile, qui remplit tous les codes de la bienséance ambient/modern classical. Le disque idéal pour lire un bouquin en faisant le dandy.