Une nuit avec un bon gamin
Loveni
Si l’histoire de Loveni nous était contée, elle commencerait très probablement la nuit, sur le périphérique parisien, dans une vielle BMW aux phares jaunes. À la place du mort, on trouverait l'ami d'enfance et partner in crime Ichon, détaillant son rendez-vous galant de la veille sous les yeux médusés de Myth Syzer, beatmaker et troisième membre de Bon Gamin, assis confortablement sur la banquette arrière. Un bras sur le volant, l’autre sur le rebord de la fenêtre, Loveni embarquerait ses deux compères pour une balade nocturne dans les tréfonds d’un Paris Nord qu’il ne connaît que trop bien. Mais oubliez le conditionnel : Une nuit avec un bon gamin, c'est exactement ça.
Même si la sortie de l’EP reste assez confidentielle à l'échelle du rap francophone, elle permet surtout au rappeur de poser la première pierre d’une discographie en solo jusque là bien maigrichonne. À l’image de son crew Bon Gamin, les apparitions du Jeune Lov sont rares et se résument à quelques collaborations ici et là, sans réel projet majeur depuis le début des années 2010, période pendant laquelle il traînait avec le groupe P.O.S avant qu'il ne devienne 1995. Loveni, c'est un rendement à la Mitroglou qui a de quoi nous agacer, surtout quand on voit la facilité déconcertante avec laquelle le bonhomme peut envoyer des bastos.
Autant le dire tout de suite, vous trouverez dans Une nuit avec un bon gamin ce qu’on attend habituellement d’une mixtape : une jolie carte de visite manquant parfois un peu de liant. La réussite de ce projet réside pourtant dans sa capacité à rendre une copie parfaitement imparfaite. Un brouillon de souvenirs de soirées qui s’entremêlent et que Loveni prend plaisir à se remémorer, aussi flous soient-ils. Toutefois, si le rappeur prend plaisir à célébrer sa fast life 8 titres durant, une partie du projet fait plutôt état de son incapacité à mettre ces pérégrinations nocturnes entre parenthèses. Bien accompagné par la production rayonnante de Syzer, « Soleil » s’impose ainsi comme la prise de conscience matinale d’un oiseau de nuit effrayé par les premières lueurs du jour.
Mais au fur et à mesure des écoutes, l’EP arrive à maturation et le côte du Rhône bon marché devient un grand cru bordelais. Un « Château Loveni » que vous ne trouverez assurément pas dans la grande foire du vin du rap francophone, mais qu’on vous conseille de déguster bien accompagné et sans modération.