UMLA
Alpha Wann
Est-ce que tu aimeras Alpha Wann quand il aura dépassé l’âge de plaire? C’est la question que tu pourrais poser à ton pote qui arbore encore fièrement son pull 1995 dans toutes manifestations rap de ta ville. Au lendemain de la sortie du premier album de l’un des membres les plus talentueux de son Entourage, et quatre ans après le premier chapitre de sa trilogie Lauren, l’attente autour du premier album « du rappeur préféré des rappeurs » est immense. Trop grande peut-être pour cet étudiant du rap disposant, certes, d’énormes facilités mais qui est visiblement rongé par l’envie de trop bien faire.
Avant toute chose, soyons honnêtes. UMLA n’a rien de révolutionnaire. Pourtant solidement épaulé par VM The Don et Hologram Lo’, le projet reste assez commun dans son arrangement. Les productions sont dans la continuité de ses disques précédents: entêtantes mais finalement assez quelconques, laissant toutefois suffisamment de place à Philly Flingue pour les éparpiller façon puzzle. Car ce n'est un secret pour personne, Alpha fait partie de ces gars difficilement attaquables quand on parle de technique. À la manière de ses mentors Dany Dan ou Ill, la prose virtuose du rappeur donne généralement à ses projets une durée de vie bien supérieure à ceux de ses pairs: "C’est moi qui sais l’faire le mieux, pas besoin de faire le bilan / Je fais taire le milieu comme un jeune Ronaldo à l’Inter de Milan."
Mais la technique, ça peut aussi nous emmerder. Voilà. A l’heure de la punchline hashtag, on attend parfois juste des phases bien débiles qui font rimer « couilles avec nouilles ». Pour faire simple, Alphonse c’est ce Sean Garnier en puissance, freestyler émérite capable des jongles les plus improbables, mais qui peine à donner à son jeu une cohérence quand il s’agit de passer sur grand terrain. C’est donc davantage dans le fond qu’Alpha fait de cet album une pièce unique de sa discographie. Sur UMLA, le rappeur aborde des thématiques plus personnelles qu’auparavant. Sur « Cascade », il évoque notamment sa peur de l’échec et l’attente engendrée par ses plus fidèles fans après ses aventures en groupes. Il revient également à plusieurs reprises sur un amour déchu, enlevant encore un peu plus son armure de simple kicker. Sa posture plus introspective sur des titres comme « Olive et Tom » donne donc au projet un tout autre éclairage.
Après presque 8 ans de freestyles et de name dropping de marques de luxe, on avait envie d’en apprendre un peu plus sur Alphonse. Et pour être tout à fait honnête, on avait rarement pris autant de plaisir à entendre un gars nous raconter sa vie. Ce projet ne deviendra sans doute pas le classique attendu par la plupart de ses fans, mais il reste plus que satisfaisant sur bien des points. Le Phaal nous livre un album à son image: carré et difficilement imitable. UMLA ne traversera sûrement pas non plus les époques. Néanmoins quand il s’agira de le présenter aux générations futures il sera assurément décrit comme comme le premier album du « dernier rappeur qui rappe ». Si si.