Twins
Ty Segall
On pourrait se demander si concevoir des albums à un rythme aussi rapide est finalement bon pour le produit final. D'aucuns diraient que des premiers albums bricolages lo-fi du Ty, on est passé à une production à la chaîne d’un produit manufacturé et étiqueté "Petit Prince de la scène californienne". Et du coup, on pourrait vite déduire que la qualité est peu à peu mise de côté aux dépens de la quantité. Et dans un sens, c'est un peu vrai dans la mesure où ce troisième album sur lequel Ty Segall est intervenu en ce millésime 2012 est peu être le moins percutant. Dans une logique de conception artisanale, c’est-à-dire qui s'inscrit sur une période de gestation plus ou moins importante et réfléchie, un telle erreur serait impardonnable. Ce serait limite un plantage, une faute de parcours, un sacré kilo de plomb dans l'aile de la colombe du succès. Bref, un artiste qui aurait du mal à se renouveler. Mais dans cette cadence stakhanoviste de création que le petit blond s’impose, ce léger couac n’est simplement qu'une petite erreur technique qui ne menace pas la viabilité de l'entreprise (à condition de redresser la barre sans trop attendre non plus).
Après réflexion, je peux sembler alarmant, mais il n'en est rien. Twins a de la gueule à revendre et l'écoute multiple de cette sortie solo ne laissera personne totalement indemne. Une écriture toujours aussi affûtée qui te rentre dans la tête dans l'unique but d'y lézarder les murs, de faire sauter le plâtre et de te râper les dents sur la brique nue.
En soi, l'album est excellent. En fait, le gros problème, c'est qu'il a du mal à se démarquer de Hair et surtout de Slaughterhouse, ne serait-ce que par ce nouveau son vachement grossi, engraissé au grunge. Du coup, avec cette signature sonore identique, il est difficile de ne pas le comparer à son aîné direct, enregistré avec son groupe de tournée. Surtout dans la mesure où il se veut plus conventionnel, plus pop tandis que la collaboration avec le Ty Segall Band offrait un vrai délire heavy paranoïaque (alors que la collaboration avec White Fence relevait du cut-up psychédélique, plus frais que les deux suivants, je vous l’accorde).
Et c'est la que le bât blesse. Sans trop d'accros fort heureusement. Mais que tout le monde se rassure, Ty Segall a manifesté sa volonté de prendre le temps pour son prochain effort solo. Nul doute que celui-là sera attendu au tournant. Ce serait dommage, à une période où le garage devient doucement tendance, de succomber aux sirènes de la facilité!
Quoiqu'il en soit, pour l'écoute de ce Twins, on prépare sa combinaison en néoprène et on s'apprête a suer parce que le dernier Ty Segall nage toujours en eaux troubles et on risque d'avoir pas mal de gras sur les bras en sortant du bouillon.