Turn Blue
The Black Keys
"Sérieux, les Black Keys, c'était mieux avant… Je me souviens encore quand ils jouaient dans le garage de mon cousin… Aujourd'hui, ils tartinent de la bande pour de la pub automobile…" Bla. Bla. Bla. Bien. Maintenant que nous avons fait le tour des réclamations, nous allons pouvoir aborder la question du jour, à savoir: depuis que Dan Auerbach et Patrick Carney ont pris une douche, entassent les Grammies et noircissent les plaines, prennent-ils encore le temps d'écrire de bonnes chansons?
A cela, il est difficile de répondre non. Tout d'abord parce que Carney et Auerbach ne sont pas des manchots. Jouer avec des liasses coincées sous les aisselles n'a manifestement aucun impact sur la psychomotricité de l'un ou sur l'élasticité vocale de l'autre. D'autre part, Auerbach a beau avoir essuyé un vilain divorce lors de l'enregistrement, il a su profiter de ces quelques semaines de répit en studio pour soulager son ego meurtri et se faire plaisir. Son naufrage affectif est devenu l'occasion idéale de se déboutonner le col et d'appliquer les enseignements transmis par Dr. John lors de leur dernière collaboration: faire péter quelques cuivres et attendrir le micro tandis que la batterie joue les garces de fin de soirée ("In Time", "Turn Blue"). Cette attitude de lover en perdition convient plutôt à bien à Danger Mouse qui continue de pailleter la production à la louche avec l'intention à peine voilée de siphonner le vote de la gente féminine. C'est classe, ça ronronne et ça se déguste à petites gorgées sans arrière-goût ni gueule de bois.
Cela dit, leur Turn Blue est loin d'être irréprochable. Le sus-cité Danger Mouse a tout de même la fâcheuse tendance à orienter le groupe vers des contrées où la guerre n'existe pas et où les égouts sentent le cupcake… Le pays de Broken Bells, quoi. Les morceaux "Waiting On Words" ou "10 Lovers" auraient pu être confiés à James Mercer que cela n'aurait froissé personne. De même, comme premier single, nous aurions tant aimé que nos compères aient les cojones de choisir "Weight of Love", splendide hold up psyché de près de 7 minutes, à la place du très moyen "Fever", un titre qui ne surprend ni par devant ni par derrière. Ultime soubresaut d'une époque à présent révolue, "It's Up To You Know" nous offre encore une brève opportunité de jouer les guitar heroes devant le miroir de notre placard Ikea. Faites votre deuil, les copains… Il y a peu de chance pour que les Black Keys reviennent nous fredonner du blues autour du barbecue. Nous ne faisons pas spécialement partie de ceux qui s'en attristent mais on affectionne tellement ces deux cons-là qu'on préférerait éviter d'utiliser les termes "catchy", "soigné" ou "plaisant" pour qualifier leurs prochains albums.