Traumazine
Megan Thee Stallion
Omniprésente sur les réseaux sociaux et dans les médias, Megan Thee Stallion a tout de même le temps de se poser de temps en temps pour concevoir un véritable album. Traumazine donc, avec une pochette plus sombre qui contraste quelque peu avec l’esthétique de ses anciens projets. C’est d’ailleurs cette apparente grisaille qui déboussole à la première écoute : les premiers morceaux sont peu avenants, la Texane semble incapable de se dérider et se fait même coiffer au poteau par une Latto qui sort un couplet plus amusant que le sien sur le pourtant très prometteur « Budget ». Plutôt amère et ayant probablement envie de régler ses comptes avec un label qui l’emmerde et des haters qui l’emmerdent encore plus depuis que Tory Lanez lui a tiré une balle dans le pied (littéralement), la rappeuse de San Antonio n'a pas très envie de rire, et ça s'entend tout particulièrement « Not Nice » (« And you ain't worth the crack your momma used to smoke, bitch / You got the roaches in your crib sharin' snacks with your kids »).
En fait, il faut attendre « Gift & A Curse » pour que la Megan Thee Stallion qu’on aimait revienne à la charge avec un banger produit par Murda Beatz rempli de roublardise, de dérision et de paroles propices à être hurlées dans une fosse. On sent alors poindre une forme de relâchement bienvenu, qui se concrétise par « Ms. Nasty » où elle se plonge dans la peau d’un de ses personnages libidineux et hauts en couleur. L’album est enfin lancé et Megan ne fait qu’une bouchée de son feat avec Pooh Shiesty (« Who Me »). La suite de l’album poursuivra cet exercice éclectique et décomplexé tout en excellant dans tous les registres où elle s’inscrit, que ce soit avec un « Red Wine » qui fleure bon les métaphores graveleuses et dont l'aisance à se moquer de tout ce qui tourne autour de la bagatelle peut rappeler le génie de sa collègue Cupcakke. Mais aussi avec « Scary », morceau qui joue le contrepied en proposant un univers loufoque à la Tim Burton avec en guise de Chat de Chester une Rico Nasty bien allumée. Ces deux morceaux guignolesques donneront suite à deux morceaux davantage introspectifs, la preuve que pour une fois la tracklist d’un album rap grand public peut aussi être cohérente et alterner les humeurs et les ambiances avec plus ou moins d’aisance - on pense ici à ce morceau plus laid-back en compagnie de Jhené Aiko et de la ballade « Star ».
On avait déjà eu l’occasion d’entendre Megan Thee Stallion s’adonner à l’exercice de la ballade pop éthérée avec « Don’t Rock Me To Sleep », mais le résultat sonnait beaucoup trop formaté, comme pour s’acquitter du cahier des charges inhérent au premier album qui doit manger à tous les râteliers. Cette fois, la MC s’approprie vraiment tous les morceaux à l'image de ce « Pressurelicious » qui s’offre un featuring de toute grande classe de Future. Et que dire du tube « Sweetest Pie », ou du posse-cut « Southside Royalty Freestyle » qui réunit quelque O.G.’s de Houston, dont le grand Sauce Walka, lequel rappelle avec insistance l’héritage qu’il aurait (déjà) transmis à la scène mainstream actuelle. Bref, un grand coup de collier a été nécessaire pour sortir cet album complet qui nous fait passer par plein d'émotions intenses et contradictoires. Bien dans ses Louboutin et toisant tous ses adversaires du haut de son (quasi) mètre quatre-vingt, celle qui twerkait récemment aux côtés de She-Hulk nous rappelle avec cet album qu'en plus d'être une super-héroïne au quotidien, elle n'en est pas moins humaine pour autant.