Transparency (Performance)
Richard Chartier
Richard Chartier est un titan. L’une des plus grosse figures du minimalisme musical: patron de l’excellent label LINE, tête de colonne dans l’art de la réduction électronique et fatalement, artiste contemporain inévitable pour tout amateur qui se respecte. Ses œuvres, on ne les compte plus. Ses installations sonores ont été présentées dans les galeries les plus enviées de la sphère contemporaine (jusqu'à obtenir des distinctions au Prix Ars Electronica) et pour finir, les artistes qu’il prend au sein de son label sont parmi les meilleurs minimalistes de leur époque. Pour tout ça, on ne pouvait en aucun cas passer à côté de ce Transparency (Performance).
Tout commence avec le Grand Tonometer, un ensemble de 692 diapasons destinés à l’étude scientifique du son, créé par le physicien allemand Rudolf Koenig en 1870. Une machine du diable qui n’avait jusque là aucune prétention musicale. Jusqu’à ce que le sieur Chartier, et globalement une certaine conception du minimalisme électronique, ne s’en mêle. Après des séries de prises de sons interminables auprès de ce Grand Tonometer, l’Américain s’est trouvé en position de relever les interactions entre les vibrations – de 206hz à 4096hz, soit une dimension allant du perceptible à l’inaudible pour l’oreille humaine – et de les juxtaposer pour aboutir sur une grande œuvre d’ambient digitale extrêmement minimaliste, ayant pour but final de donner à l’auditeur la chance d’être les témoins du son lui-même.
Ce qui est clair, c’est que sur cette unique piste longue d’une heure, on nage dans dépouillement le plus total. Deux possibilités s’offrent dès lors à vous : le casque ou le soundsystem d’une qualité rare. Transparency (Performance) est une cathédrale d’ondes sinusoïdales, qui se construit avec plus ou moins d’apparence. Même si ce terme parait un peu inapproprié, on parle ici d’apparence car tout ce disque est une ode à ce qui est caché, à ce qui est plus ou moins perceptible par les sens. Lentement, Richard Chartier ordonne les lignes, les tintements et les vibrations dans un grand concerto d’une finesse à tomber les fesses à terre. Toutes ces ondes créent des sillons qui ne mènent nulle part, repris immédiatement par une autre qui attendait son tour, trop haute dans les fréquences pour s’apercevoir qu’elle était déjà là depuis le début.
Un disque mathématique, qui aligne les droites en en musique, qui traite le matériau à sa source la plus immaculée. Un jeu de cache-cache lent, un ballet organisé au microscope qui transcende cette œuvre dans quelque chose de terriblement poétique, presque romantique dans sa manière de se déshabiller sans trop en montrer. Et puis il y a cette certitude que le son est ici toujours maître, cette omnipotence de la vibration, ce gigantisme de la (non) perception. On se sent rapidement comme un intrus dans ce cosmos de fréquences. Pire, ce calme absolu en devient terrorisant et claustrophobe. Car on se sait perdu dans un océan de son, et notre seul témoin, l’oreille, n’est que peu de chose face à la puissance totalitaire de cet élément. Le son pour ce qu’il a de plus pur à offrir. Ce monument.