Tourist History
Two Door Cinema Club
Notre quotidien est bourré de petites phrases qui ne servent strictement à rien, si ce n'est à faire un peu de vent, histoire de lancer une conversation avec une personne avec qui vous ne partagez pas grand chose, si ce n'est un lieu de travail, un lien de parenté éloigné ou une connaissance qui vous a abandonné à votre triste sort en soirée, vous obligeant à socialiser un tant soit peu. Vous savez, ces petites phrases du style « Comment ça va? » et le classique « Comme un lundi! » qui fait un tabac autour des machines à café.
Le chroniqueur un peu paresseux ou à court de bonnes idées histoire d'attirer l'attention de son lecteur dispose lui aussi de vieux trucs rédactionnels éculés qu'il ressort à intervalles réguliers. Parmi ces grands classiques, comment ne pas citer le disque de folk boisé et vespéral, « idéal pour écouter au coin du feu un soir d'hiver » ou le disque de pop énergique et carré « taillé sur mesure pour accompagner le retour des beaux jours ». Justement, en raison du come back fracassant du soleil et l'incapacité temporaire de votre serviteur à vous pondre une introduction digne de ce nom, je n'ai d'autre remède que vous asséner un définitif « le premier album de Two Door Cinema Club est ce qu'on fait de mieux à l'heure actuelle pour accompagner les premiers jours d'embellie ». Et c'est à prendre ou à laisser.
Il faut dire que ce Tourist History n'est que la confirmation des excellentes prédispositions affichées par les Nord-Irlandais sur le très bon septième volume des compilations Kitsuné Maison, où leur « Something Good Can Work » se détachait clairement de la meute et laissait entrevoir une belle capacité à, d'une part, intelligemment singer Phoenix et, d'autre part, montrer un amour certain pour la mélodie simple et efficace qui fait mouche en une écoute à peine. Ce talent, le groupe emmené par Alex Trimble a depuis lors eu le temps de nous le confirmer par l'entremise de deux singles aussi irrésistibles que le « Something Good Can Work » susmentionné (« Undercover Martyn » et « I Can Talk ») et lors de ses apparitions live (brillant en première partie de la tournée européenne de Phoenix).
On vous l'a dit plus haut, à l'écoute des dix titres de Tourist History, difficile de ne pas penser à Phoenix, cet album semblant à mi-chemin entre la décontraction de Alphabetical et la fougue de It's Never Been Like That. Comme les Versaillais, les jeunes gars de Two Door Cinema Club parviennent à trouver le juste équilibre entre couplets sautillants et refrains aussi explosifs que fédérateurs, le tout étant porté par une production taillée sur mesure pour cartonner autant sur les ondes que sur les pistes de danse et d'arrangements rusés qui tiennent plus de la valeur ajoutée qu'autre chose tant les compositions de Two Door Cinema Club resteraient énormes même s'ils elles avaient été mises en boîte par Yvan Cassar.
Trente minutes, cela peut sembler peu, mais c'est amplement assez pour que Two Door Cinema Club enchaîne avec une facilité qui frise l'arrogance les singles potentiels, du magnifiquement répétitif « Do You Want It All » à un « Cigarettes In The Theatre » à mi-chemin entre Foals et U2 et dont le final tout en cuivres écrase absolument tout sur son passage en passant par une ribambelle de titres dont la simplicité n'a d'égal que la simplicité – la palme revenant probablement à « What You Know ». Et puis cerise sur le gateau, ce Tourist History redore quelque peu le blason de Kitsuné qui nous sort enfin un album à la hauteur des singles qu'elle distille à longueur d'années. Après les échecs cuisants qu'ont représenté les LP d'AutoKratz et des Cazals, Two Door Cinema Club permet à la maison au renard de nous prouver qu'elle n'a rien perdu de son flair légendaire.