Tomorrow's Hits
The Men
Alors qu’il convient de considérer Sacred Bones Records comme une structure à l’avant-garde du rock indépendant mondialisé, il est étonnant de voir comment le groupe qui porte le plus fièrement (et le plus rentablement) les couleurs du label de Brooklyn est aussi celui qui, à mesure que passent les albums, rentre de la manière la plus étonnante qui soit dans le rang.
Pour rappel, on avait comme beaucoup de monde découvert The Men avec l’incandescent Open Your Heart, en 2012. Un disque d’une énergie punk folle, post-hardcore aux entournures, et qui sonnait comme la réponse moderne aux meilleurs albums des Stooges. Un truc qui vous foutait des fourmis dans les guiboles et des envies folles de cogner tout ce qui bouge. Un an plus tard, à la surprise générale, les Américains enchaînaient sur New Moon, disque apaisé et apaisant, enregistré dans les montagnes Castkill, au nord de New York. L'ensemble flairait bon les grands espaces chers à Neil Young et son Crazy Horse, sans pour autant sombrer dans l’exagérément révérencieux. Un disque qui a pas mal divisé, notamment au sein de notre rédaction.
Et ceux d’entre nous qui avaient apprécié ce virage ‘dad rock’ complètement assumé n’en seront que plus heureux d’apprendre que The Men poursuivent dans cette voie sur Tomorrow’s Hits, un disque qui pense davantage à hier qu’à demain, c’est une évidence. En même temps, ça se tient: les huit titres retenus ont été choisis parmi une quarantaine écrits par le guitariste Mark Perro avant même la sortie de New Moon. A la seule différence que pour cet album, le groupe s’est payé le luxe d’un beau studio et une section de cuivres. Dad rock qu’on vous dit. Alors que le premier extrait à avoir filtré nous avait laissé penser tout le contraire…
Alors Tomorrow’s Hits, un album pour l'abonné de Télérama ? En partie oui. En tout cas, dès l’inaugural « Dark Waltz », l’obsession pour le Canadien à la Old Black est sidérante. Comme les envies d’aller pomper du côté du Exile on Main St. des Rolling Stones sur « Another Night ». Ou de se la jouer working-class hero spingsteenien ailleurs. Heureusement, comme sur le précédent album, la démarche n’est jamais outrageusement passéiste et dégage même une fraîcheur et une énergie de tous les instants qui font des huit titres de Tomorrow’s Hits autant de vignettes élégantes qui renvoient à une certaine vision du rock’n’roll, comme on ne le joue plus vraiment aujourd’hui. Heureusement que la classe, elle, est intemporelle...