Together We're Heavy

The Polyphonic Spree

Hollywood Records – 2004
par Popop, le 17 février 2004
9

On a peine à y croire. Il était tellement facile en 2002, à la sortie de The Beginning Stages Of…, de ne voir en Polyphonic Spree qu’une blague de très bonne qualité, un groupe de potes un rien talentueux se tapant un délire et accouchant par hasard d’un disque fantastiquement décalé et jouissif. Pourtant, deux ans après les faits, force est de constater que le collectif en robe est de retour avec un disque essentiel, et que le hasard n’est sans doute pas la seule explication derrière ce phénomène. En fait, on le savait déjà. The Polyphonic Spree est avant tout le projet de Tim DeLaughter, ex-Tripping Daisy parrainé dès le début de son aventure symphonique par Grandaddy et David Bowie. Et malgré son nom, le sieur est très sérieux quant à l’avenir sur le long terme de sa chorale rock.

En deux ans, les choses ont changé. La vingtaine de membres a beaucoup tourné et s'est métamorphosée en un vrai groupe. Les morceaux de The Beginning Stages Of…, album enregistré en trois jours s’il est besoin de le rappeler, ont également pas mal évolué, certains ont été réenregistrés pour devenir des singles dignes de ce nom. Les robes ont changé de couleur, délaissant le blanc pour des verts, jaunes, rouges et bleus clinquants. Et surtout, le projet de Tim DeLaughter a commencé à s’esquisser plus clairement dans son esprit. Le résultat, Together We’re Heavy, sonne à la fois comme mille choses et aucune autre. Beaucoup plus symphonique que son prédécesseur, à la limite de l’opéra, le disque est avant tout une entité à considérer comme telle, et non plus une succession de chansons. A l’exception du premier single "Hold Me Now", perfection pop de 4 minutes et des poussières, l’album se découpe en longues plages musicales, dépassant parfois les 10 minutes, et contenant chacune plusieurs mouvements, plusieurs refrains imparables - là où certains groupes rament toute une carrière pour n’en trouver qu’un seul.

Difficile de retranscrire sur papier les sensations éprouvées à l’écoute de ce second opus. Essayez d’imaginer les Flaming Lips mixant Station To Station de David Bowie avec Atom Heart Mother de Pink Floyd. Ajoutez à cela un grand orchestre, une chorale faisant du zèle et les fantômes des Beach Boys et des Mamas & Papas hantant le studio d’enregistrement où Phil Spector peaufinerait une version évasive de son "Wall Of Sound". Vous voyez à peu près ? Et bien vous êtes encore loin de la réalité ! Car si en théorie on devrait se retrouver avec un ensemble tout boursouflé et lourd à digérer, Together We’re Heavy se révèle au contraire d’une fluidité bluffante, ce qui n’était pas toujours le cas par le passé…

En fait, le seul statu quo à trouver ici se situe sans doute du côté des paroles. Les thèmes abordés sont à peu de chose près les mêmes que sur le premier album : la nature, le soleil (le thème de "It’s The Sun" réapparaît ainsi sur deux morceaux), le voyage (notamment sur l’incroyable "Suitcase Calling"), le chemin… A travers une sorte de culte exacerbé du positivisme, le collectif parvient à faire passer comme une lettre à la poste des messages aussi simplistes que « you gotta be good, you gotta be strong » ("Two Thousand Places"). Cet état d'esprit culmine d'ailleurs sur l'approprié "When The Fool Becomes A King" (ou quand l'idiot devient roi), titre d'anthologie précédant la conclusion apaisée qu'est le morceau-titre et qui laisse l'auditeur sortir de cette petite heure de musique le sourire aux lèvres et le coeur léger. Véritablement thérapeutique !