TLAMESS (Sortilège)
Oiseaux-Tempête
L’engoulevent est un oiseau crépusculaire et nocturne au plumage cryptique très complexe, mêlant le gris, le beige et le brun, qui le rend maître dans l’art du camouflage. C’est également la nouvelle forme choisie par les Oiseaux-Tempête en ce début d’année.
Quelques mois seulement après la sortie de From Somewhere Invisible, les Français nous reviennent déjà avec un nouvel album, toujours chez Sub Rosa. Intitulé TLAMESS (Sortilège), il constitue en réalité la bande originale du film du même nom, du réalisateur tunisien Ala Eddine Slim.
Clarifions les choses d’emblée : nous n’avons pas (encore) vu TLAMESS, qui ne sortira que le 19/02, et n’avons donc pas cherché à remettre l’album dans son contexte cinématographique, comme ce fut récemment le cas avec la B.O. d’Uncut Gems.
Il n’est d’ailleurs pas difficile de faire abstraction de ce contexte, puisque rien n’en apparaît à l’écoute du disque. On aurait pourtant pu croire qu’en composant une bande originale elle-même qualifiée de film immersif, le groupe renouerait avec sa volonté de témoigner par la musique et le son d’une zone géographique définie, de faire écho à son actualité, puisque le long-métrage en question a pour toile de fond la Tunisie contemporaine.
Mais il n’en est rien. Tout comme pour From Somewhere Invisible, Oiseaux-Tempête n’a ni recours aux enregistrements de terrain, ni aux partenariats avec des musiciens locaux, qui constituaient pourtant l’une de ses signatures les plus audibles. En fait, tout l’album a été enregistré entre Lyon et Paris, ce qui en fait le disque le moins itinérant des Français. Le collectif joue même en effectif réduit, puisque cette fois seuls Mondkopf et Jean-Michel Pirès (Bruit Noir) accompagnent Stéphane Pigneul et Frédéric D. Oberland.
En définitive, des habitudes du groupe, ne semble avoir subsisté que ce goût pour l’improvisation, les 12 morceaux ayant été directement composés devant les rushes du film. Et la musique dans tout ça, putain.
Coupons court au suspens : TLAMESS (Sortilège) est un très bon album. Les morceaux s’enchaînent sans longueur (et sur un rythme relativement soutenu, un autre point commun avec From Somewhere Invisible), les arrangements sont impeccables bref, ce nouveau voyage en compagnie de nos volatiles se déroule sans accrocs et on en redemande.
Dépouillé d’autant des éléments précités qui faisaient la personnalité si atypique du groupe, on serait pourtant tenté de trouver à l’album un côté plus lisse qu'à l'accoutumée. Mais ce serait oublier que TLAMESS (Sortilège) est avant tout une bande originale de film, une évidence qui finalement ne peut que nous rattraper à l’écoute du disque, que l'on finit par davantage voir comme un exercice de style tant on sent qu’il a poussé les Français à se réinventer pour se mettre au service d’une oeuvre et d’une narration préexistantes.
Le parti pris est tel qu'on se demande parfois si on ne s’est pas planté d’album lorsqu’on le découvre, tant ce dernier est axé drone/ambient. Les guitares anxiogènes sur "Deserter" et "Cimetière", les larsens et le duo basse/batterie chamanique sur "Jettatura", le final et la construction en deux actes de "Tlamess (Closing Titles)", seuls quelques passages nous rappellent qu’on est bien là devant le dernier né d’un collectif jusqu’ici étiqueté pur post-rock.
En définitive, si TLAMESS (Sortilège) ne dégage pas la même aura que le reste de la discographie d’Oiseaux-Tempête, ce n’est que pour mieux souligner le niveau de maîtrise des Français. Maîtrise sur leur musique, son intention et son contexte. Maîtrise du camouflage.