Till Death Do Us Part
Cypress Hill
On a tendance à l’oublier, mais Cypress Hill est un groupe qui a vraiment marqué l’histoire de la musique moderne. En deux disques sortis au début des années 90, Cypress Hill et Black Sunday, B-Real, Muggs et Sen Dog ont définies les bases d’un nouveau genre avec leur crossover hip-hop west coast/rock/latino. Des hymnes comme "Insane In The Brain" ou "Rock Superstar" ont réussi à accrocher aussi bien les amateurs de rap que ceux de métal. Et leur position en faveur de la légalisation de la marijuana a fait couler autant d’encre, si ce n’est plus, que leur musique. Mais voilà, le groupe s’est perdu en route, s’auto-parodiant album après album, pour ne devenir que l’ombre de lui-même. En 2004, à part quelques fans, plus personne n’attend quoi que ce soit d’un disque de Cypress Hill.
Difficile alors d’aborder ce septième album studio sans une once de scepticisme, d’autant plus que le groupe a décidé cette fois-ci de flirter avec la musique jamaïcaine, reggae, ragga et ska en tête. Si l’intention n’était pas mauvaise en soi, le résultat laisse plutôt à désirer, à commencer par ce "Ganja Bus" ridicule, énième apologie du cannabis, sonnant comme du Sean Paul sous prozac. Plus réussi, le reggae de "Busted In The Hood" n’en sonne pas moins comme quinze autres morceaux de Cypress Hill, à quelques percussions et cuivres près. En fait, plus que les collaborations originales, c’est avec un sample de l’essentiel "Guns Of Brixton" de The Clash que le groupe s’en sort le mieux. Le single "What’s Your Number ? ", où l’on retrouve également Tim Armstrong des néo-punks de Rancid, est sans doute parmi les morceaux les plus efficaces livrés par B-Real et Muggs depuis des lustres. Mais perdu au milieu de sous-productions cherchant à sonner comme du Eminem ("Money" ou "Once Again"), il fait office de vilain petit canard.
En fait, les seuls moments où le groupe se montre à la hauteur de sa réputation, c’est lorsqu’il cesse de se focaliser sur les charts US pour en revenir aux bases. Les bases, pour Cypress Hill, c’est par exemple le typiquement gangsta "Another Body Drops" avec ses gunshots et son décompte morbide, ou le très sobre "Till Death Comes" en contrepoids. On aurait aussi pu rajouter le festif "Latin Thugs" et son rap hispanisant, s’il n’était pas gâché par un solo de guitare gitane particulièrement inapproprié. Mais même en tenant compte de ces éclaircies, Till Death Do Us Part sonne comme une tentative désespérée de regagner une crédibilité fuyante depuis presque dix ans. A une époque où Outkast, N*E*R*D* ou Antipop Consortium ne cessent de repousser les limites du hip-hop, c'est franchement léger.