Tigers Blood
Waxahatchee
L’histoire retiendra le 22 mars 2024 comme une confrontation country-folk opposant différentes chanteuses au summum de leur carrière. Difficile de ne pas penser à Adrianne Lenker qui sortait ce jour-là son nouvel album solo, beaucoup plus intimiste que le Tigers Blood de Waxahatchee. Je suis d'ailleurs ravi d’être maintenant capable d'écrire Waxahatchee sans le copier-coller; c’était le Barbenheimer du bottleneck. Moins connue, Rosali nous régalait également avec un très bel album de folk sorti chez Merge.
Depuis quelque temps, on le sait, la country a le vent en poupe. Même dans les sphères indés, elle gagne du terrain. Rien que l’année dernière Wednesday et les Ratboys ont sorti d’excellents albums. De là à friser l’overdose ? Katie Crutchfield s’est elle-même posé la question puisque son sixième solo était destiné à sortir avec une sonorité beaucoup plus synthétique. Heureusement, celle-ci a changé de cap au dernier moment, optant pour une alt-country qui donne envie d’aller au barbeuc’ en pick-up - à l'arrivée, seul l’inaugural « 3 Sisters » garde une trace de synthé.
Tigers Blood active le mode americana avec du twang, des banjos, des accordéons et des guitares slide en veux-tu en voilà. Pour y arriver, Katie Crutchfield s’est entourée d’une dream team : le multi-instrumentiste Phil Cook et son frère Brad qui produit l’album (soit les deux tiers du regretté groupe Megafaun), Spencer Tweedy (fils de Jeff, leader de Wilco) à la batterie et l’incontournable MJ Lenderman (de Wednesday qu'on a déjà cité) qui tient la guitare électrique tout le long de l’album, mais qui fournit également les harmonies vocales sur le tube « Right Back to It ».
Enregistré au Sonic Ranch au Texas, le travail d’enregistrement et de mixage est méticuleux. Rien ne dépasse, si ce n’est la voix incroyablement cool de Crutchfield qui tient les aigus et allonge les syllabes comme personne. Meilleur exemple : « 365 » qui évoque la solidarité dans la sobriété. Un album presque trop parfait dans son exécution. Heureusement, au-delà de toute son érudition et sa finesse, Waxahatchee produit toujours une musique authentique que l’on pourrait facilement entendre dans un bouge de l’Amérique sudiste. Douze morceaux globalement mélancoliques et résolument cinématographiques, entre confiance en soi et peur de l’ennui, du quotidien, qui misent sur le danger. C'est quand même bien beau.