Through The Static
Sectra

Chroniquer un disque de Tectonic Recordings en 2025 est probablement la chose la plus anachronique qu'il m’ait été donné de faire aujourd’hui. Ça aura au moins le mérite de me rappeler une époque qui sentait bon l’innovation de partout, où Pinch avançait avec son label au milieu de dizaines de producteurs de génie, de structures plus recommandables les unes que les autres, taillant dans la jungle dubstep un parcours jamais linéaire, intensément défricheur. On était en 2006, on était collés aux émissions radio de Mary Anne Hobbs jusque tard, on se prenait cette tornade dans la gueule sorties après sorties sans vraiment prendre conscience de la chance qu’on avait à l’époque de vivre ça en direct. Une forme d’adolescence vécue à retardement, en tous cas une période marquée par l’insouciance des débuts et qu’on pensait lancée pour un cycle de mille ans. Sauf que non, on cligne des yeux et on est en 2025. Le dubstep est morte depuis quinze ans maintenant et Tectonic Recordings ne brille plus que par le souvenir ému de ce qui fut autrefois.
Alors, forcément, se poser autour du nouveau Sectra donne un peu cette impression d’assister à une veillée funéraire. Les anciens copains se retrouvent pour célébrer ce qui fut l’un des meilleurs labels à l’époque, évoquer les bons souvenirs, boire le café chaud, manger un sandwich mou au jambon et repartir chacun dans leur vie en attendant la prochaine sortie de chez Tempa ou Hotflush pour recommencer. On oublierait presque pourquoi on en est venu à se rassembler. À vrai dire, personne n’attendait vraiment ce deuxième album de Sectra, producteur américain qui semble rouler sa bosse dans les milieux electronica, techno et dark-ambient depuis maintenant huit ans. Un choix un peu particulier pour le label, dont on ne parvient pas à identifier la raison véritable sinon l’amour inconditionnel que voue Pinch à la post (x10) techno, aux cuts qui tabassent et aux ambiances de fin du monde. Et bien Through The Static c’est un peu tout ça en même temps : une sorte de pot-pourri d’electronica nerveuse, de dub lointain, de drone-indus, de trap, de noise grésillant, de post-techno de cave et de rave music apocalyptique. Ça tape un peu partout, ça rappelle parfois Drukqs, toutes les légendes de Stroboscopic Artefacts (Lucy, Xhin, Dadub) et les légendes bass music d’autrefois (« Betwixt All Light » aurait eu sans problème sa place sur Kapsize aux côtés de Joker ou Gantz). Le problème ? C’est clairement moins bien que Vex’d, Distance, Author & Punisher, The Bug ou Scorn ; mais surtout ça ne va nulle part.
Through The Static est une collection d’ambiances, de vignettes soit trop courtes soit trop longues, on ne sait pas trop. Des tracks éparses qui se collent les unes aux autres pour former un album protéiforme au sound-design quelque peu daté. Une sorte de revue des tendances bass music venues d’ici et d’ailleurs, qui auraient pour point commun le grésillant clair-obscur, l’ambiance à tout prix. Ça marchotte calmement, sans provoquer de réel raz-de-marée pendant quarante minutes. De quoi se demander les raisons d’un pareil retour, pourquoi en définitive s’imposer une musique aussi fatiguée ? Ce n’est pas foncièrement mal fait, pas du tout même, c’est juste vidé de sa pertinence en 2025. C’est triste à dire mais cela nous aura juste servi à nous rappeler qu’il n’y a pas si longtemps que ça, notre quotidien sur Tectonic Recordings était fait de 2562, de Martyn, de Pinch et de Mala. Et pour le coup, c’était quand même bien meilleur que ce qui nous a été proposé ici. Laissez les morts reposer en paix maintenant.