Three
Four Tet
Le dimanche 23 avril 2023 sur le coup de 22h30, lorsqu’il s’avance sur la scène principale de Coachella flanqué de Fred again.. et Skrillex pour un closing set qui va rester dans les mémoires, Four Tet a peut-être en tête ces paroles d’un des plus grands tubes de Drake : « started from the bottom now we here. » Le bottom c’est une carrière initiée dans les années 90 dans le post-rock, le here, c’est son statut de tonton cool de l’electronica. Une consécration presque paradoxale pour un artiste qui a fui la hype comme la presse - cette interview pour le Guardian en 2023 est rare, et les journalistes doivent travailler avec les 3 mêmes photos officielles de lui depuis 15 ans.
Et même si le plaisir qu’a su retirer Four Tet de cette récente parenthèse enchantée est immense, l’Anglais chérit trop la routine de son quotidien sans histoire pour ne pas revenir à ses bonnes vieilles habitudes : un nouvel album solo sur son label Text Records, annoncé sans fanfare, et qui vient rompre quatre années d’un silence qui n’en était pas vraiment un.
En l’absence d’un communiqué de presse, d’une tournée promo ou d’indications précieuses distillées sur les réseaux sociaux, on a l’avantage de pouvoir appréhender ce nouvel album de Four Tet de façon très instinctive. Et la première impression que nous renvoie Three, c’est celle d’un disque-bilan qui, sans jamais se retrouver bloqué sans le passé, revient habilement sur trente années d’une carrière à mettre du mellow et de la mélodie dans des temps « four to the floor », à appliquer des filtres folk, hip hop ou bass music à des schémas mélodiques d’une limpidité absolue. Four Tet pour les nuls, en somme.
Avec une carrière couvrant pas moins de trois décennies, il aurait été tentant pour Kieran Hebden de se complaire dans une forme d’autoglorification nauséabonde. Il n’en est rien sur un disque plus frais que Sydney Sweeney. Qu’il ait la tête dans les étoiles (« Loved », « Three Drums ») ou les baskets collées au dancefloor (« Daydream Repeat », « 31 Bloom »), Kieran Hebden démontre que malgré sa faible présence dans nos timelines, et il reste à l’écoute de son époque. Et parce que Kieran Hebden est un artiste qui a des convictions, il n’oublie pas de nous livrer une paire de titres jolis certes, mais surtout joliment chiants, à l’image de ce « Gliding Through Everything » qui nous rappelle combien l’ambient est un genre qu’il maîtrise mal.