This Silence Kills
Dillon
Il n’y a pas si longtemps, le label BPitch Control pouvait se targuer de compter dans ses rangs quelques-unes des figures les plus importantes et respectées de la sphère électronique. Basée à Berlin, la maison fondée par Ellen Allien pouvait compter sur la présence dans son effectif de gens comme Paul Kalkbrenner, Sacha Funke, Modeselektor, Apparat ou Kiki. Vous avez dit artillerie lourde ? Mais voilà, tandis que les albums d’Ellen Allien ne semblent plus intéresser les foules et que les artistes susmentionnés sont soit sur le déclin, soit partis voir ailleurs, on se dit qu’il ne reste plus grand monde pour nous faire rêver sur BPitch. Et un bref détour par le site de la structure semble nous conforter dans cette impression. On a finalement le sentiment que BPitch a perdu son statut de trendsetter pour revenir à celui de défricheur, comme si tout le travail fourni pendant les premières années n’avait servi à rien.
C’est dans cette optique de renouvellement des cadres que s’inscrit la sortie de cet album de Dillon, qui étonne particulièrement quand on connaît l’habituel cahier des charges de la maison berlinoise. Si les claviers sont présents sur This Silence Kills, ils sont très discrets, rarement analogiques (ne vous laissez pas tromper par l’introductif « This Silence Kills »), n’ont pas la moindre visée dansante ou sont encore moins au centre des compositions de la jeune Dominique Dillon de Byington, adepte d’un certain classicisme pop-folk et dont les modèles sont plutôt du côté de Joanna Newsom, Feist ou Lykke Li. Recherchant la beauté dans l’épure de son écriture et la fragilité de sa voix il est vrai magnifique, la native de Cologne mais aujourd’hui basée à Berlin s’amuse sur des compositions claires-obscures qui alternent enfantillages innocents et noirceur glaçante, et n’oublient jamais de mettre l’accent sur un phrasé pour le moins particulier.
Clairement, on tient là une personnalité forte dotée d’une vision musicale claire. Et si Ellen Allien voulait désarçonner son auditoire habituel en lui servant les mélopées décharnées de Dillon, c’est plutôt réussi. De là à dire que c’est le genre de récréation qui lui plaira, c’est une autre histoire. Il faut surtout espérer que les amateurs des trois vedettes mentionnées un paragraphe plus haut viendront se perdre sur This Silence Kills. Mais là aussi, on se dit que ce n’est pas forcément gagné vu l'arbre généalogique de BPitch. Bref, en voilà une qui ne part vraiment avec les faveurs des bookmakers malgré un potentiel évident…