There’s A Hole In Heaven Where Some Sin Slips Through
Various Artists
Quelle belle initiative du label allemand Glitterhouse que de consacrer une compilation de reprises à l’immense compositeur américain Townes Van Zandt. Bien que ce dernier n’ait pas la popularité d’un Bob Dylan ou d’un Johnny Cash, il fait très certainement partie de ce que l’Amérique a engendré de mieux en matière de folk et de country.
Auteur d’une dizaine d’albums entre 1968 et 1995, le Texan s’est constitué une œuvre à la fois personnelle et de qualité constante, marquée par la réclusion et la dépression dès son premier album (For The Sake Of A Song). Traduisant une réelle fuite en avant, le propos de Townes Van Zandt se voit également influencé par d’incessants voyages. Et si, entre 1969 (Our Mother The Mountain) et 1972 (The Late Great Townes Van Zandt), le songwriter livre 5 albums d’une rare fibre poétique, les réactions dithyrambiques viendront pour la plupart de ses pairs. Quant au grand public, il ne fera pas écho au talent d’un Townes Van Zandt peu aidé, il est vrai, par son label Poppy. D’ailleurs, ce dernier, n’ayant pas les moyens d’assurer une promotion digne de ce nom au Texan, périclitera dès 1973. S’ensuivent alors 5 années d’isolement dans la montagne pour le chanteur avant qu'il ne revienne avec un nouveau label (Tomato) et surtout avec un nouvel album (Flyin’ Shoes, 1978), qui suit d’un an la publication d’un live jusque-là resté dans des tiroirs (Live At The Old Quarter). Une fois encore, notre homme aurait dû se voir consacré au rang de génie du folk et de la country mais c’était sans compter sur un accident de voiture qui le retira à nouveau de la circulation (sans mauvais jeu de mot). Revenu par deux fois dans le parcours (At My Window en 1987 et No Deeper Blue en 1995), toujours avec cette voix usée par la vie, Townes Van Zandt s’éteindra le 1er janvier 1997 sans une once de gloire, pourtant méritée, alors que Steve Shelley (Sonic Youth) l’épaulait pour l'enregistrement de son dernier album.
Après une telle mise en situation, vous comprendrez dès lors qu’on ne peut que s’enthousiasmer à la sortie de There’s A Hole In Heaven Where Some Sin Slips Through. D’autant plus que cet album recèle des perles, à l’image de la reprise de "Kathleen" par les Tindersticks qui fut, pour beaucoup d’entre nous, la porte d’entrée dans l’univers de Townes Van Zandt. Et si cette dernière se déploie plus lentement que son originale, elle n’en reste pas moins le point culminant d’une compilation où Willart Grant Conspiracy ose reprendre "If I Needed You", chanson rendue célèbre voici des années par une certaine Emmylou Harris (en 1983). Pendant ce temps, les méconnus Marah ("You Are Not Needed Now") et Michael J. Sheehy ("St. John The Gambler"), l’ex-leader de la formation Dream City Film Club, s’en sortent à la perfection, tout comme les légendaires Walkabouts ("Snake Mountain Blues"). Alors que d’autres, comme un Christian Kjellvander trop timide ("Heavenly Houseboat Blues"), semblent tétanisés par l’héritage de Townes Van Zandt. Cela peut se comprendre…
Que vous connaissiez ou pas l’œuvre du fabuleux compositeur texan, on vous conseillera donc de jeter une oreille plus qu’attentive à There’s A Hole In Heaven Where Some Sin Slips Through. En plus d’y découvrir d’excellentes interprétations signées par les artistes du label Glitterhouse, vous ferez un fameux voyage dans la discographique de celui qui pourrait être l’égal de Johnny Cash ou de Bob Dylan, talentueusement parlant. Et si d’aventure vous vouliez approfondir la chose, ruez-vous sans plus attendre sur le coffret Texas Troubadour.