The White Album
Weezer
Être fan de Weezer en 2016 est à peu près aussi pompant que d’avoir un abonnement au Stade Vélodrome ou de se parquer toutes les deux semaines dans la T4 de l’enfer de Sclessin. Tu ne doutes pas une seule seconde du talent de l’effectif (quoique…), et ton attachement viscéral au projet est intimement lié aux sensations fortes qu’il t’a procurées par le passé.
En transférant les MP3 de ce nouvel album de Weezer, iTunes a jugé bon d’y associer automatiquement la pochette du Blue Album, mythique premier effort du groupe sorti en 1994 et pierre angulaire du rock alternatif à tendance emo. Hasard ou coïncidence ? Venant d’une logiciel qui n’a pas hésité à me refourguer un mauvais album de U2 contre mon gré, plus rien ne m’étonne.
Mais le fan du groupe américain ne pourra s’empêcher d’y voir un joli clin d’œil du destin, tant il attend depuis des plombes que Rivers Cuomo siffle enfin la fin de la récré. Parce que depuis la sortie du sombre et génial Pinkerton en 1996 (ou à la limite du Green Album en 2001), il s’est bien marré le mec, à nous pondre des disques peu inspirés et inutilement régressifs, desquels on ne sauvait que l’un ou l’autre titre - souvent celui qui était balancé en éclaireur quelques semaines avant la sortie, histoire de bien jouer avec nos nerfs.
Mais pour la première fois depuis longtemps, on a vraiment eu envie d’y croire à ce White Album. Notamment parce que dans les semaines qui ont précédé sa sortie, c’est un bon tiers du disque qui s’est dévoilé et qu’à chaque fois on a eu le sentiment de ne pas se faire arnaquer, d’assister à un retour aux sources - la seule décision véritablement utile pour Weezer, dont les envies de modernité ou d’autre chose n’ont pas été vraiment concluantes, il faut bien en convenir. On peut voir dans cette démarche un aveu d’échec doublé d’un nécessaire réalisme.
Dans cette optique, ce White Album s’inscrit dans le droit fil de Everything Will Be Alright In The End, précédent disque qui portait finalement bien son nom, en ce sens qu’il amorçait la rédemption tant attendue de Weezer et préfigurait le retour à une écriture plus directe et moins préoccupée par le soin apporté à sa production - ce qui est assez fou quand on sait qu'aux manettes, on retrouve Jack Sinclair, un producteur qui a notamment bossé pour Taylor Swift, Pink ou 5 Seconds of Summer. En d’autres termes, The White Album est une version moins produite et mieux écrite de son grand frère. Car les clins d’œil aux deux premiers longs formats du groupe sont nombreux, et se retrouvent dans les meilleurs titres du disque (« Do You Wanna Get High? », « Summer Elaine and Drink Dori » et « L.A. Girlz » notamment).
Après, si l’on cite en exemple et en influence le Blue Album et Pinkerton, il convient de juger ce dixième album à l’aune de ces deux monuments. Et là, un peu de sévérité ne fera de mal à personne. Car au regard des nombreuses références à un glorieux passé, on pourra d'abord éviter la poudre aux yeux, contrer l'engouement précipité ensuite et enfin porter un jugement véritablement objectif au sujet d’un disque qui vaut certainement mieux que tout ce que Weezer nous aura livré ces dix dernières années, mais qui ne risque pas de remplacer dans nos petits cœurs qui saignent des trucs aussi forts que "El Scorcho" ou "Undone (The Sweater Song)".