The Waiting Room

Lusine

Ghostly International – 2013
par Simon, le 19 mars 2013
7

On prend le pari que bon nombre de nos lecteurs aiment particulièrement se mettre minable une fois que le week-end pointe le bout de son gros pif. Lâcher des grosses mains au cul des filles, beugler partout comme un putois, danser comme Wall-E sous la douche... on imagine que certains coincés devant cet article sont des spécialistes avérés de la cuite sans retour. Si cela vous parle, c’est que vous connaissez également la rançon de la gloire: la gueule de bois de cow-boy, celle qui te rappelle que t’as jamais su draguer une fille correctement et que t’as de la chance d’avoir des potes aussi avinés que toi pour éviter que tes actes te fassent passer pour un gland les semaines qui suivent. Il est donc seize heures du matin, tu te vides trois demi-litres d’eau glacée et tu tentes comme tu peux de te racheter une vie/une conscience/une santé (biffez les mentions inutiles). Vient alors le moment le plus casse-tête de ce chemin de croix, et cela nous amène enfin à parler de cette plaque: tu te penches sur ta collection de disques pour te rendre compte que tout te dégoûte. C’est ici même que tu sors un lapin de ton slip: le disque anti gueule de wood.

Surtout que ce disque n’est jamais là où on l’attend. Si la tentation de sortir un disque d’ambient a tout de la bonne idée, écouter un disque de nappes va vite vous rappeler qu’aujourd’hui vous avez juste le droit de mourir. Trop de nuances en pagaille, trop d’informations concentrées dans un même flux, pas assez de balises : le disque d’ambient est l’archétype du disque à ne pas jouer quand tu as la tête en diagonale. Non, ce qu’il vous faut dans cette situation c’est un disque qui a la structure d’un disque de merde. Un disque savamment composé mais qui trace son sillon à grands coups de lignes claires. N’oubliez jamais que votre demi-cerveau encode un signal sur deux, donc donnez lui des repères comme les hommes qui agitent ces drapeaux guidant les avions en pleine nuit. Il faut un schéma simple, donnez lui quelque chose de pop mais pas trop. Lusine a ce mérite de proposer ce disque qu’on voudrait détester, mais qui est trop bien fait pour ne pas y succomber – surtout qu’il pourra nous rendre de fier service les lendemains de descente trop difficile.

Plus encore que le seul compositeur Texan, c’est le label Ghostly International – filière pop, electronica et house gentillette – qui se révèle comme le meilleur pourvoyeur de gâteaux pour handicapés du lendemain. The Waiting Room est innocent et magnifiquement réalisé : fait de house synthétique, d’electronica pour bébés et de claviers deep, il fait honneur à tous nos sens les plus basiques, sans jamais évoquer aucune notion de conflit. Tout se passe – ça chante, même – comme sur des roulettes et ça évoque un réveil en douceur, bien balancé entre les titres académiques et les vraies grandes inspirations. Poursuivant dans cette idée du réveil, les quatre derniers titres se hissent au sommet de la montagne – mention spéciale au magnifique « February » -, achevant une renaissance du corps que tu pensais impossible cinquante minutes avant. Tu aimes la mélodie plan-plan, l’électronique aussi talentueuse que codée, le grower aux contours salutaires ? The Waiting Room est pour toi. Sortez couverts les gars, et n’oubliez pas de déposer ce disque sur votre table de chevet une fois que vous repartirez au contact de Jack, Philippe et Maurice.