The Toorn / With Fang and Claw
Amenra

Tout ou presque a déjà été dit ici (et ailleurs) à propos de l’importance d’un groupe comme Amenra : près de 30 ans de carrière, une discographie inattaquable et une place au sommet de la pyramide post-metal. Introspective et ténébreuse, la musique des Belges est depuis ses débuts nimbée de symbolisme et d’une aura mystique ayant produit une des fanbases les plus fidèles du métal contemporain. Cette dévotion obsessionnelle combinée à des choix esthétiques forts et une capacité à maintenir du lien avec l'underground ont fait d'Amenra un groupe énorme, comme en attestent ses 5 Ancienne Belgique consécutives ou sa présence bien haute à l'affiche de festivals généralistes. Le risque d'être moins un groupe de musique qu'un phénomène est donc réel pour un groupe qui, aussi intègre et respectueux soit-il, appartient de moins en moins à ses fans et de plus en plus à « la culture ».
Histoire de remettre les pendules à l'heure, la bande à Colin H. Van Eeckhout revient avec deux EP’s, toujours sur Relapse Records : De Toorn et With Fang And Claw. Enregistrées en une seule session dans les Ardennes belges avec Seth Manchester (Model/Actriz, The Body, Lingua Ignota) ces deux œuvres témoignent d’une grande cohésion et servent de pont entre deux ères d'Amenra, préparant ainsi le terrain pour une potentielle nouvelle entrée dans la série des MASS.
Conceptuellement, De Toorn s'inscrit dans la continuité de De Doorn (2021) et présente un aspect plus atmosphérique que son EP compagnon. Amenra poursuit ici l'exploration de ses racines (l’artwork n’est par ailleurs pas sans rappeler celui de MASS I) sur deux pistes en néerlandais, "Heden" d’abord, sur laquelle on retrouve ces segments de spoken word susurrés et ce chant mélancolique, déjà proposés par CHVE sur les récents enregistrements du groupe. "Altijd en Overal" murmure-t-il sur cette entrée en matière à la fois minimaliste et contemplative, qui ne manque toutefois pas d’alourdir le débat sur sa conclusion. Cette dualité toujours, entre sérénité et tourment, on la retrouve sur “De Toorn (Talisman)” qui s'inscrit par ailleurs dans la même intention, avec un décollage au bout du tunnel tout à fait typique des Courtraisiens.
Sur la seconde partie du diptyque, on retombe de l’autre côté de la pièce et l’énergie plus directe et pesante qui a fait toute leur renommée. With Fang and Claw présente ici le visage brut d'Amenra et semble esquisser les contours d’un avenir musical qu’on espère toujours plus diversifié, notamment à travers ces enchaînements subtils de cordes au milieu de la tempête. Le groupe y mêle ici tous ses éléments signatures et semble toujours autant en position de force dans ce créneau sludge/doom atmosphérique, en témoigne par exemple la vigueur de “Salve Mater”, peut-être le titre le plus intéressant parmi ces 4 nouveautés.
Il n’y a finalement que peu d'éléments sur ces deux EP qui provoqueront stupeur et tremblements auprès des suiveur·euses. Si l’objectif n’est pas tant ici d’expérimenter que d’affirmer un peu plus le poids de son héritage, Amenra parvient à encore nous tenir du bout des doigts avec une mise en bouche plutôt satisfaisante pour un futur album que l’on espère très sincèrement un chouia plus aventureux et risqué. Nous savons à quel point Amenra en a les moyens.