The Thread

Lysistrata

Vicious Circle / Luik Records – 2017
par Jeff, le 24 octobre 2017
8

Les deux derniers lauréats du prix Ricard SA Live Music se nomment I Am Stamgram et Fuzeta. Sur la page du concours, on y lit que I Am Stamgram a tourné avec Puggy (aka l’encéphalogramme le plus plat de la pop-rock) ;  et l’algorithme de Google pense que Fuzeta est d’abord une ville du Portugal avant d’être un groupe qui mérite qu’on s’y intéresse. Alors forcément, on se demande un peu quelle bestiole a bien pu piquer le jury lorsqu’il a cette année décidé d’attribuer le prix à Lysistrata, groupe math-noise et « post un peu tout » pas vraiment habitué à faire dans la dentelle. 

En même temps, aussi improbable puisse-t-elle paraître, la décision du jury ne peut être que saluée, surtout quand on sait que des gens comme Bester Langs (affable boss de Gonzaï) ou Benjamin Fogel (monsieur Playlist Society) en font partie – en fait, on se demande surtout si ils n’ont pas plutôt passé ces dernières années à se mettre des mines aux frais du sponsor plutôt qu’à écouter des disques. Soit. Aujourd’hui, c’est donc Lysistrata qui se retrouve en haut de l’affiche alors que ces trois-là ne s’y voyaient probablement jamais. Par ailleurs, on peut légitimement se demander ce que le prix Ricard S.A. Live va leur apporter, tant leur musique les confine à un circuit plutôt restreint – celui où vous avez de fortes chances de croiser des groupes comme Totorro, Rince Doigt, La Jungle ou Equipe de Foot.  

Considérant ces lauriers comme une cerise sur le gâteau qui ne doit pas les éloigner de la ligne de conduite qu’ils se sont fixés, les gars de Lysistrata débarquent sur le label Vicious Circle (et Luik Records pour la Belgique) avec un premier album qui convoque toujours autant les fantômes de Fugazi, Slint, At The Drive-In ou même Refused. Vous l’aurez compris, il faut que ça joue vite, il faut que ça joue fort, ou il faut que ça prenne aux tripes. Ou que ça fasse tout ça simultanément. Bien défini ce cahier des charges finalement assez basique (mais plus exigeant qu’il n’y paraît), il n'y a plus qu’à libérer le Kraken sans se laisser déborder par son enthousiasme ou sombrer dans une mêlasse qui masquerait le manque de bonnes idées par une technicité à toute épreuve.

Si vous êtes arrivés aussi loin dans cette chronique, vous serez ravis d’apprendre que ces deux écueils sont superbement évités par le groupe français qui, rôdé au live, pond un disque qui renvoie forcément à cet exercice qu’il maîtrise et affectionne tout particulièrement. Ce qui nous donne The Thread, disque qui envoie suffisamment de bois pour tenir tout l’hiver mais ne se perd jamais en circonvolutions inutiles. Et puis contrairement à une tannée au Ricard, vous pouvez y aller franchement, vous ne risquez pas d’avoir envie de crever si vous en abusez.  

Le goût des autres :