The Stand Ins

Okkervil River

Jagjaguwar – 2008
par Splinter, le 3 décembre 2008
8

Les doubles albums sont une plaie pour le chroniqueur, malheureusement toujours contraint de s'exprimer sur la qualité du disque 1 par rapport au disque 2, ceci alors que les chansons ont toutes été composées en même temps et qu'elles sont issues des mêmes sessions d'enregistrement. Il en va de même - et c'est encore plus délicat - pour ces faux doubles albums que sont ces oeuvres coupées en deux pour d'obscures raisons, qu'elles soient artistiques ou marketing. Que l'on songe à A Day at the Races de Queen, généralement jugé très inférieur à A Night at the Opera, pourtant enregistré en même temps, ou encore à Amnesiac de Radiohead, qui, selon le bon sens populaire, n'aurait pas la force de Kid A, son prédécesseur, sorti seulement quelques mois plus tôt.

Le dilemme, pour ne pas dire le calvaire, se pose également pour The Stand Ins d'Okkervil River, qui succède à The Stage Names, sorti l'an dernier. Les deux albums sont clairement les deux volets d'une même œuvre. En plaçant de côté les déclarations de Will Sheff ouvertement en ce sens, la preuve réside notamment dans la pochette des disques : la main qui figure sur la jaquette de The Stage Names est tout simplement celle du squelette de The Stand Ins ! Un vrai diptyque, donc, chaque tableau complétant l'autre. Eloignons-nous, cependant, de cette tendance qui consiste à penser que le second opus est toujours moins bon que le premier. Ce n'est pas le cas ici : les deux volets sont tout simplement de même valeur, en l'occurrence vraiment excellents.

Ce nouvel album d'Okkervil River constitue, pour le groupe, un nouveau pas en avant vers l'ouverture : ceux qui ont adoré la petite bande de Will Sheff dès ses premiers albums, comme Don't Fall in Love with Everyone You See (2002), ont souvent du mal à se retrouver dans ses disques plus récents, beaucoup moins sombres, malgré les thèmes des pochettes. Il faut d'ailleurs avoir vu Okkervil River en concert pour se rendre compte de cette évolution, le groupe n'ayant plus grand-chose à voir avec le lyrisme de Down the River of Golden Dreams (2003). On ne s'en plaindra pas. Les qualités d'écriture et de composition de Sheff associées à la tournée permanente du groupe permettent, aujourd'hui, de donner naissance à des morceaux complexes, certes, mais incroyablement mélodieux, accessibles, empreints d'une incontestable énergie et qui, musicalement, n'oublient jamais les origines texanes du groupe grâce à l'utilisation d'instruments plutôt traditionnels (banjo, mandoline, piano wurlitzer…).

Emmené par "Lost Coastlines", excellent single, l'album est sans doute le dernier à pouvoir s'enorgueillir de la présence de Jonathan Meiburg, parti, depuis, officier exclusivement au sein de Shearwater. Et comment ne pas s'émerveiller devant l'excellence de titres purement pop comme "Starry Stairs", du niveau de "Plus Ones" sur The Stage Names, "Pop Lie", incroyablement entraînant, ou bien "On Tour with Zykos", jolie ballade déchirante, aux paroles particulièrement drôles et empreintes d'humilité : "I was supposed to be writing the most beautiful poems and completely revealing mysteries up close, but I can't say that I'm feeling that much at all at 27 years old". Quelle déclaration de la part de Sheff, dont le songwriting de génie est pourtant reconnu par tous !

Désormais seul aux commandes d'Okkervil River, Sheff, qui est bien, quoi qu'il en pense, un véritable poète, va-t-il poursuivre sa navigation vers la pop pour gagner une plus large audience, ou bien va-t-il tenter de faire concurrence à Shearwater en renouant avec ses premières œuvres ? Dans tous les cas, on peut lui faire confiance pour mener sa barque à bon port compte tenu de la qualité tout simplement incroyable de ce groupe farouchement indépendant et constamment brillant.

Le goût des autres :
8 Nicolas 7 Popop