The Sleeper
The Leisure Society
Qu'on le veuille ou non, le folk, quelle que soit sa forme, a toujours été une affaire d'Américains. Anglais, Français, Suédois ou Belges s'y sont bien essayés, s'y essaient et s'y essayeront encore, mais rares ont été ceux en mesure de titiller l’espace d’un morceau ou d’un album leurs voisins d’outre-Atlantique, qu’ils se nomment Elliott Smith, Neil Young, Sufjan Stevens, Fleet Foxes ou Grizzly Bear. Pourtant, malgré les déconvenues en pagaille, ils sont toujours très nombreux à tenter de mettre à mal l’inébranlable hégémonie ricaine. Dernier candidat en date à tenter sa chance, The Leisure Society, qui nous vient tout droit d’Angleterre et ambitionne, avec ce premier album, de marcher sur les plates-bandes de Grizzly Bear, Department of Eagles ou Fleet Foxes.
Et de fait, tout sur The Sleeper évoque ces trois groupes qui ont laissé une empreinte indéniable sur l’actualité musicale de ces douze derniers mois. Mais plus important encore, tout sur The Sleeper est placé sous le signe de la douceur et du songwriting racé – et on ne s’étonne alors plus du fait que le groupe compte parmi ses fans les plus notables un certain Guy Garvey, grand artificier du succès planétaire d'Elbow. Il faut dire que derrière The Leisure Society se cache Nick Hemming, un quasi inconnu bien entouré et bénéficiant d’une certaine expérience dans le milieu. En effet, actif depuis le début des années 90, notamment au sein du groupe She Talks to Angels, Hemming s'est adjoint sur The Sleeper les services de musiciens particulièrement talentueux, dont un certain Mike Siddell que l'on retrouve dans un autre groupe anglais lorgnant avec insistance sur le pays de l'Oncle Sam, j'ai nommé Lightspeed Champion.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cette joyeuse bande semble avoir trouvé la formule magique lui permettant de rivaliser avec les modèles d’outre-Atlantique. Avec un album suffisamment court pour donner envie d’appuyer à nouveau sur la touche "play", dégageant cette même élégance so British qui nous rappelle le rôle indispensable joué par Nick Drake dans l’histoire musicale contemporaine, fourmillant d’arrangements dont la finesse n’a d’égal que la pertinence et ayant la bonne idée de ne pas trop jouer la carte de l’harmonie vocale jusqu’à l’écœurement, The Leisure Society impose sa griffe et créée la surprise - en même temps qu’il confirme tout le flair du label Full Time Hobby, qui héberge également Tunng ou Micah P. Hinson.
Disque dont le travail minutieux d’écriture, d’enregistrement et de production ne cache heureusement pas la beauté naturelle, The Sleeper est un objet précieux dont on parlera (trop) peu, tout heureux que nous serons d'user jusqu'à la corde nos exemplaires de Veckatimest ou In Ear Park. Pourtant, The Reader mérite mieux que de simples comparaisons, aussi flatteuses soient-elles. Pour vous en convaincre, laissez-vous emporter par la sublime indolence de « The Last of the Melting Snow » ou « A Matter of Time » et tout vous semblera alors clair.