The Shadow Of Their Suns
Wax Tailor
Un nouveau Wax Tailor nous plonge toujours dans un mélange de curiosité, de surprise et de nostalgie. Elle est loin, l’époque de « Que Sera », où l’on avait l'impression d’être un⸱e pré-ado unique en son genre parce qu’on venait de mettre les doigts dans un engrenage trip-hop/hip-hop expé en partageant des substances avec des potes anti-système. Pourtant, quinze ans après son premier album, le producteur français continue de faire vibrer les cordes du militantisme dans un style musical de plus en plus affiné. Déjà, on ne reste pas insensible à la pochette de l’album, poing sale levé contre un lot d’injustices trop nombreuses que pour être citées. Et pour protester à l’unisson, Wax Tailor sait s’entourer : des featurings de Mark Lanegan, Del Tha Funkee Homosapien, Mr. Lif, D Smoke, ou les voix de Gil Scott-Heron et Yugen Blakrok.
The Shadow Of Their Suns, ce sont 45 minutes qui font valser nos méninges avec des réflexions de choix, peut-être un peu lassantes sur la longueur, mais toujours surprenantes dans la forme. Dans un album aux sonorités plutôt tournées vers le hip-hop, on retiendra notamment la collaboration avec la MC d'Atlanta Boog Brown sur « Shining Underdog », elle dont la voix semble cristalliser la position de nombreuses personnes socialement désavantagées, luttant pour leurs droits face à un pouvoir toujours plus inébranlable. Et puis comment ne pas parler du morceau-phare de cet album qu'est "Misery", porté par le grain de voix mélancolique et reconnaissable entre mille de Rosemary Standley, la chanteuse de Moriarty). Au-delà de la qualité intrinsèque du titre, il offre une seconde vie à son message dans un clip à l’allure orwellienne, le discours de l'ancien gouverneur de l'État de New York Mario Cuomo résonnant dans une dystopie aux rues sales, écrasées par un ciel pollué. Bien qu’il l’ait prononcé en 1984 (ça vous dit quelque chose ?), il vient à nos oreilles comme un triste ode à 2020.
Mais Wax Tailor n'a pas que le désespoir au bout des doigts. Ainsi, on retrouve D Smoke, étoile montante du rap US, sur « Keep it movin’ » et ici porteur d'un message alimenté par des ondes plus positives - « When gravity tries to keep me on the ground, I touch clouds ». L’espace d’un instant, le producteur fait également flotter dans le vide la voix de l'immense Gil Scott-Heron, récitant son poème « Paint It Black ». Un espèce de souffle parfait qui sert d'intro à « Dusk to Dusk », où le verbe acéré de la rappeuse sud-africaine Yugen Blakrok porte à lui seul le titre.
En ce début d’année 2021 où l’on peine encore à digérer ce qui nous est tombé sur la tronche ces derniers mois, Wax Tailor nous offre donc album riche en références, totalement en phase avec son époque et les nombreux combats de notre siècle qui ont trouvé des porte-voix dans les artistes ayant participé à cet album. The Shadow Of Their Suns se termine par « The Light », et on espère qu’il s’agit ici d’une référence à la lumière comme lueur d’espoir pour notre futur pandémique.